bloc_article_content
L'immigration française aux États-Unis au XIXe siècle
Attirés par le projet de fonder une société nouvelle ou plus simplement par l’espoir de meilleures conditions d’existence pour eux et leurs familles, les immigrants français ont apporté aux États-Unis des techniques, des pratiques culturelles et un art de vivre.
Les arrivées d’immigrants français évoluent par vagues, en fonction des difficultés en France et de la santé économique des États-Unis, qui sont de mieux en mieux connus, par les récits de voyageurs et par les lettres des émigrants qui y sont déjà installés.
À la recherche de la société idéale
Les vastes étendues de terres disponibles aux États-Unis et le régime politique démocratique séduisent ceux qui aspirent à fonder une société idéale.
Étienne Cabet, dont le livre Voyage en Icarie a connu une grande popularité, entraîne à partir de 1848 ses partisans dans une série de tentatives infructueuses d’installation de colonies icariennes : sur la Red River au Texas, à Nauvoo dans l’Illinois, à Corning dans l’Iowa et enfin à St-Louis où il meurt en 1856. Influencé par les idées de Charles Fourier, Victor Considerant fonde une éphémère communauté, La Réunion, dans le comté de Dallas au Texas (1855-1857). Ayant séjourné dans le Kansas puis à Corning, quelques familles partent avec Jules Leroux et Armand Dehay pour Cloverdale en Californie, tenter une expérience de vie collective, baptisée Icaria Speranza (1881-1886). Ces communautés sont de courte durée, minées par les dissensions internes et les piètres qualités organisationnelles de leurs dirigeants.
Le désir de remédier aux maux de la révolution industrielle et de lutter contre la paupérisation pousse des philanthropes à acheter aussi des terres dans les États nouvellement créés et encore peu peuplés pour y installer des communautés de travailleurs. Ernest Valeton de Boissière organise une ferme coopérative d’élevage de vers à soie à Silkville au Kansas (1869-1884).
L’espoir d’améliorer sa situation par l’émigration
Les États-Unis reçoivent aussi une immigration à but plus économique. Il ne s’agit cependant pas d’une « émigration de la misère ». La plupart des migrants ont un capital financier, une formation professionnelle ou des relations qui les aident à trouver un logement et du travail. Le taux d’alphabétisation est élevé.
Des entrepreneurs organisent des colonies agricoles au Texas (Castroville) et dans le Midwest. Jusqu’aux années 1860, La Nouvelle-Orléans, St-Louis et le bassin du Mississippi sont une destination traditionnelle dominante pour les migrants français qui recherchent un environnement francophone. Ils se dirigent ensuite plutôt vers les pôles dynamiques : New York, principal port d’entrée, Chicago ou la Californie. L’immigration suit et renforce l’urbanisation et le développement économique des États-Unis.
Après la découverte d’or en Californie, vingt-cinq à quarante mille migrants y affluent dans les années 1850, partis de toutes les régions de France. Beaucoup ne restent que quelques années, les autres font venir leurs familles et servent d’ancrage à des chaînes de migration issues des Pyrénées, des Alpes, de l’Aveyron, et après 1870 d’Alsace et de Moselle.
Quand éclate la guerre de Sécession, des Français prennent parti et s’engagent, qu’ils soient installés dans le Nord (les Gardes Lafayette de New York combattent sous le commandement de Régis de Trobriand) ou dans le Sud (Édouard Lacouture essaie de convaincre Napoléon III de soutenir le Sud en 1862). Cette participation aux luttes politiques accélère leur américanisation.
Des quartiers français
Dans les villes, les immigrants français privilégient des activités qui s’appuient sur le prestige de la France et de Paris, en particulier dans le luxe et l’art de vivre. Artistes, acteurs, peintres, musiciens, sculpteurs, architectes, médecins, viticulteurs, professeurs, mais aussi cuisiniers, blanchisseurs, modistes, hommes et femmes, apportent leurs talents et leurs connaissances, appréciés des Américains aisés et éduqués.
Lorsqu’ils sont assez nombreux pour faire vivre des quartiers français, les Français édifient des églises francophones, comme Notre-Dame des Victoires à San Francisco, des hôpitaux français, ouvrent des grands magasins, des banques et des commerces. Ils publient des journaux, d’opinions opposées, comme L’Abeille de La Nouvelle Orléans (1827-1923), Le Courrier des États-Unis (1828-1940) et Le Messager Franco-Américain (1860-1883) à New York, L’écho du Pacifique (1852-1865), Le Franco-Californien (1886-1926), L’Écho de l’Ouest (1910-1926), à San Francisco, L’Union nouvelle à Los Angeles, Le Courrier de l’Ouest à St-Louis ou Le Courrier de Chicago. Ils fondent des sociétés de solidarité, et des associations qui perpétuent les cultures régionales. Le 14 juillet, fêté à partir de 1880, affirme leur identité française, tandis que le 4 juillet ils manifestent leur loyauté envers le pays qui les a accueillis.
Lors de la Première Guerre mondiale, de nombreux jeunes gens repartent combattre en Europe. La terrible saignée démographique, l’amélioration économique en France et les lois restrictives des années 1920 freinent durablement l’immigration française.
Publié en mai 2021