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La vente de la Louisiane en 1803
En 1803, la Louisiane, que la France avait cédée à l’Espagne en 1762, ne redevint française que trois semaines avant d’être achetée par les États-Unis.
Fondée par des officiers de la Marine pour le compte de Louis XIV en 1699, la Louisiane ne demeura sous souveraineté française que l’espace de deux générations. La guerre de Sept ans, qui avait commencé dès 1754 dans la vallée de l’Ohio, s’acheva par une série de désastres militaires pour la France qui l’obligea à des cessions territoriales en Amérique du Nord afin de récupérer la Guadeloupe. En 1762 et 1763, les traités de Fontainebleau et de Paris divisèrent la Louisiane française qui s’étendait théoriquement des Appalaches aux Rocheuses et du golfe du Mexique aux Grands Lacs : la Grande-Bretagne reçut la partie à l’est du Mississippi et l’Espagne, La Nouvelle-Orléans et la rive occidentale. Alors que le territoire passé sous souveraineté britannique était intégré à la West Florida (Floride occidentale), le nom de Louisiane était dorénavant réservé à la colonie espagnole.
En 1768-1769, les élites louisianaises s’étaient révoltées contre l’imposition de la souveraineté espagnole, mais elles avaient fini par l’accepter dans les décennies qui suivirent, prospérant grâce à la réouverture de la traite des eclaves en 1772. La Révolution française fit toutefois ressurgir parmi certains le souhait de revenir sous le giron français. Une série de pétitions d’habitants de la Louisiane demandant sa réunion à la France parvint au gouvernement français. Sous le Directoire, la France chercha en vain à obtenir cette rétrocession aux négociations de Bâle en 1795. Les autorités envoyèrent ensuite le général Georges-Henri Victor Collot en expédition dans les vallées de l’Ohio et du Mississippi afin de vérifier la faisabilité d’un tel projet. Ayant été expulsé par le baron de Carondelet, gouverneur de Louisiane, Collot rédigea en 1803 un récit de son périple, Voyage dans l’Amérique septentrionale, qui ne fut publié qu’en 1826.
Conçu sous le Directoire, le projet de rattachement de la Louisiane ne fut mis en application qu’avec Bonaparte parvenu au pouvoir en 1799. Sa volonté de contrecarrer l’impérialisme britannique en contrôlant la route des Indes avait échoué en Egypte. Sous l’influence de membres de son gouvernement qui avaient des liens avec la Caraïbe – François Barbé-Marbois, Pierre Malois et Médéric-Louis Élie Moreau de Saint-Méry – il décida de restaurer l’empire français d’Ancien Régime aux Amériques. Afin de retrouver la première place dans le commerce colonial, il s’agissait d’abord de reprendre Saint-Domingue à Toussaint Louverture qui gouvernait la colonie de manière indépendante et d’y rétablir l’esclavage. Le rôle secondaire assigné à la Louisiane était d’approvisionner les colons domingois en bois, farines et autres denrées vivrières.
De nouvelles négociations avec l’Espagne permirent de signer le traité secret de San Ildefonso qui cédait la Louisiane à la France en contrepartie d’un agrandissement du duché de Parme en octobre 1800. Le roi d’Espagne Charles III préférait aussi que les voisins du Mexique fussent les Français plutôt que les Étatsuniens qui avaient déjà obtenu des Espagnols le droit de circuler librement sur le Mississippi et d’entreposer des marchandises à La Nouvelle-Orléans en 1795. La reprise des hostilités avec l’Angleterre retarda l’application du traité. Dans les années qui suivirent, de nombreuses publications vinrent toutefois entretenir ce projet de renaissance de la Louisiane française. Après la conclusion de la paix d’Amiens en mars 1802, le préfet Pierre-Clément de Laussat fut envoyé à La Nouvelle-Orléans. Le 30 novembre 1803, il reprit officiellement possession de la colonie pour le compte de la France ; trois semaines plus tard, le 20 décembre 1803, il dut organiser une seconde cérémonie pour remettre le territoire aux États-Unis.
Le 30 avril 1803, Napoléon avait, en effet, vendu la Louisiane au président Jefferson. Les États-Unis avaient regardé d’un mauvais œil la reconstitution d’une puissance française au cœur du continent, craignant un effet centripète sur leurs territoires à l’ouest des Appalaches. Jefferson ne souhaitait pourtant à l’origine qu’obtenir La Nouvelle-Orléans et éventuellement les deux Florides. Mais aux yeux de Napoléon, la Louisiane avait perdu tout intérêt après l’échec de l’expédition Leclerc à Saint-Domingue. La guerre menaçant de reprendre avec la Grande-Bretagne, il fallait empêcher que cette dernière ne s’emparât de La Nouvelle-Orléans et de la vallée du Mississippi. En dépit de leurs instructions bien plus limitées, les négociateurs étatsuniens à Paris, Robert Livingston et James Monroe, acceptèrent d’acheter la totalité de la Louisiane pour 80 millions de francs (15 millions de la dollars). Si les fédéralistes marquèrent leur opposition, Jefferson se réjouit de cet achat car il écartait la menace britannique. Une petite partie des terres achetées pour cette somme dérisoire, le Territoire d’Orléans, accéda au statut d’État de l’Union sous le nom de Louisiane en 1812.
Frontières politiques de l'Amérique du Nord dans l'ère de l'achat de la Louisiane
Publié en mai 2021