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La propriété terrienne dans l'empire français en Amérique

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La transformation du territoire en propriété pour les colons européens est au cœur du processus de la colonisation.

Comme disait l'abbé Raynal, "Comment, sans propriété, fixer dans ces régions éloignées & désertes, des hommes, qui, la plupart, n'avoient quitté leur patrie que faute de propriété?"  Et cette formation d’une nouvelle propriété ne pouvait se faire, bien entendu, qu’aux dépens de peuples autochtones et de leurs terres.

Quoique sujettes au même régime légal de la Coutume de Paris, les colonies françaises affichaient une grande diversité de tenures.  Dans la Vallée du St-Laurent (le Québec actuel), on octroyait des seigneuries, surtout aux communautés religieuses et aux nobles.  Les seigneurs, à leur tour, concédaient des terres en censives aux colons, chargées de redevances de type féodales: cens et rentes, lods et ventes, banalité, corvée.  L'établissement de fiefs n'était pas sans effets sur les autochtones du pays, mais dans le contexte du pluralisme légal qui régnait alors, ces derniers restaient relativement à l’abri de l'emprise seigneuriale. 

Depuis le 16e siècle, la forte présence française à "Terre-Neuve" (soit toute la côte atlantique) prenait la forme d'une pêche saisonnière.  Pour nettoyer, saler et sécher la morue, il fallait des établissements sur le littoral et, dans l'absence de toute présence étatique, les pêcheurs s'auto-organisaient pour distribuer chaque année des étendues de grève selon le moment d'arrivée de chaque navire.  C'était une forme de propriété communale, avec redistribution à chaque saison.  À partir de 1662 l'établissement de colonies de pêche sur les îles de Terre-Neuve et de Cap Breton, comportant l'accaparement permanent de certaines grèves par les colons-pêcheurs, va compliquer ce vieux système communal, sans pourtant le détruire.  Désormais, les autorités impériales seront tiraillées entre favoriser la stabilité des installations côtières que demande les colonies de pêche et l’accès libre au littoral qu’exige l’industrie de pêche des ports de la métropole.

Les Antilles contrasteront avec le Canada.  La prépondérance de planteurs, devenus riches grâce à leur mainmise sur la terre et sur une main d'œuvre servile, vouera à l'échec toute tentative d'instaurer des redevances seigneuriales.  Au début, les colons se taillaient des lopins en marquant des arbres selon "le droit de la hache" ; bientôt l'état colonial s'accaparera du monopole des concessions de terres.  La tenure allodiale – une forme de propriété plutôt simple et individualisée – primera aux Îles.  En supprimant le retrait lignager et la saisie réelle, on favorisera un marché foncier exceptionnellement fluide, bien adapté aux exigences d'une économie capitaliste basée sur l'esclavage.  Aussi, les cours de justice coloniaux assimileront les esclaves – en dépit des règles du code noir – à la propriété foncière (et donc des biens immeubles) pour assurer l'intégrité de l’unité de production qu’était la plantation à travers successions et poursuites judiciaires.  Au cours du 18e siècle, une forme de propriété terrienne exceptionnellement absolue et avec très peu d’obstacles au commerce foncier s’est donc établie dans les Antilles françaises.

La Louisiane prend forme comme colonie française dans le sud de l’Amérique du nord à partir de 1699.  Il y aura des tentatives d’établir des seigneuries tel qu’au Canada, mais les colons, appuyés par les dirigeants métropolitains, ne les acceptaient pas.  Le triomphe de l’allod signalait ainsi l’appartenance croissante de la Louisiane au monde caraïbe.   

Dans l’Amérique française, la diversité des tenures se doublait de la diversité des pratiques d’arpentage et de la forme et de la mesure des terres.  Tel qu’on le voit bien sur les cartes, les seigneuries et censives de la Nouvelle-France prenaient la forme de parallélogrammes longs et étroits.  Les arpenteurs canadiens plantaient des bornes au bord du fleuve et traçaient des lignes de division plus ou moins perpendiculaires aux rives.  L’arpent servait, comme dans plusieurs provinces françaises, comme mesure linéaire et de surface.  Dans les zones de pêche, on délimitait les propriétés strictement par l’étendue du front sur la mer et on empruntait une unité marine, celle de la brasse.  Aux Antilles, les terres étaient plutôt carrées ou de forme irrégulière ; en effet, la surface se mesurait en carrés (Iles de Vent) ou de carreaux (St-Domingue).

 

Publié en mai 2021

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