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Antagonismes franco-autochtones

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Si l’alliance avec les Premières Nations est une caractéristique essentielle de la colonisation française en Amérique du Nord, d’importants conflits ont aussi marqué le développement de la Nouvelle-France et occupé une place importante dans la production documentaire du Régime français.

Les autochtones et la guerre

Comme l’ont noté plusieurs mémorialistes, dont le jésuite Joseph-François Lafitau (1724), la guerre occupait une place fondamentale dans les processus de reproduction sociale des sociétés autochtones traditionnelles. Pour s’établir en Amérique, les Français durent donc composer avec les rivalités et les réseaux d’alliances préexistants.

Les récits de Jacques Cartier (1534 et 1536) révèlent certaines de ces rivalités et témoignent de l’incapacité de l’explorateur à saisir les dynamiques géopolitiques propres à la vallée laurentienne, ignorance qui précipita sans doute l’échec des entreprises coloniales au 16e siècle.

Les guerres iroquoises

Au siècle suivant, c’est au contraire en s’impliquant dans les conflits autochtones que les Français purent établir les bases d’une colonie. En s’alliant aux Montagnais (Innus), Algonquins (Anishinaabeg) et Hurons (Wendats), Champlain dut se commettre dans le conflit qui les opposait à la Ligue iroquoise (Haudenausonee) en lançant un premier raid contre eux en 1609. Le conflit qui s’ensuivit, qui dura jusqu’en 1701, marqua profondément le développement de la colonie, car c’est en promettant aux Autochtones de les protéger contre les Iroquois que les Français purent établir le vaste réseau d’alliances qui assura la survie de la colonie jusqu’en 1760.

De l’évangélisation à la militarisation

Pour comprendre l’évolution de ces « guerres iroquoises », nous ne disposons que de documents écrits par des protagonistes français, avec tous les biais que cela implique. Au début du 17e siècle, les conflits sont rapportés essentiellement par les Jésuites dans leurs Relations annuelles. Après 1660 s’ajoutent la correspondance des administrateurs coloniaux et des textes signés par des militaires envoyés de la métropole pour « mater » les Iroquois. Le régiment de Carignan-Salières, arrivé en 1665, puis les Compagnies franches de la Marine, à partir de 1683, font des incursions en territoire ennemi, souvent avec l’appui d’alliés autochtones et de miliciens canadiens, construisent des séries de forts pour protéger la colonie et documentent l’organisation du territoire ennemi. Bien plus que les rivalités européennes, ce sont donc les guerres iroquoises ont initié la militarisation de la Nouvelle-France. Ces guerres ont d’ailleurs marqué à ce point l’histoire coloniale qu’elles constituent l’essentiel des Histoires publiées au 18e siècle par Bacqueville de La Potherie ou Charlevoix et font l’objet d’une riche iconographie.

Les traces de la paix

La production écrite en Nouvelle-France a aussi fait une place de choix aux négociations de paix avec les Iroquois. Plus d’une dizaine de traités furent conclus de 1609 à 1701 et leur analyse est essentielle pour comprendre les motifs ayant poussé à la guerre ou incité à la paix. On trouve dans les Œuvres de Champlain (1624) ou les Relations des Jésuites (1641, 1645 et 1653) quelques traces de traités oraux qui, suivant la culture diplomatique autochtone, étaient scellés par l’échange de présents et de « colliers de porcelaine » (ou wampum). Lorsque les traités étaient ratifiés par écrit, comme lors de la Grande Paix de Montréal (1700 et 1701) ou des traités de 1665-1666, ils faisaient l’objet de documents officiels, parfois signés par les ambassadeurs autochtones, dont la teneur est plus détaillée et la forme, singulière.

Le 18e siècle : guerre et esclavage

De par leur durée (un siècle) et leur impact sur le développement colonial, les guerres iroquoises ont largement occulté d’autres conflits. Le 18e siècle, notamment, a connu son lot d’antagonismes, dont l’issue a été bien plus tragique pour les peuples autochtones. Entre 1712 et 1738, par exemple, les Français livrèrent sous la pression de leurs alliés une véritable guerre d’extermination contre les Renards (Meskakees). Mieux connu est le « soulèvement » des Natchez, en Louisiane, grâce notamment au souvenir qu’en a conservé œuvre de Châteaubriand. Durant une vingtaine d’années, les colons français avaient cohabité étroitement avec cette nation, dont l’organisation sociale et politique leur rappelait les sociétés européennes. Le massacre soudain par les Natchez, en 1729, de tous les Français établis parmi eux s’enracine dans des causes encore difficiles à cerner même si les sources insistent sur l'existence d'un conflit foncier. Cet événement a donné lieu à des représailles sanglantes de la part des troupes françaises et conduit à la quasi-extinction des Natchez. Comme des survivants natchez trouvèrent refuge chez les Chicachas, les Français lancèrent aussi plusieurs expéditions contre cette nation entre 1736 puis en 1739-1740. Dumont de Montigny, qui vécut chez les Natchez et participa à la campagne de 1736 contre les Chicachas, signale que ces raids offraient aux militaires et miliciens français l’occasion de capturer des autochtones pour les réduire en esclavage. C’est d’ailleurs là un élément distinctif des conflits franco-autochtones au 18e siècle, marquée par le tournant esclavagiste que prit la colonisation. La mise en esclavage des ennemis vaincus rendait presque impossible le règlement pacifique des conflits.

Aussi violents furent-ils, ces différents conflits n’empêchèrent pas la majorité des nations autochtones de demeurer au sein de l’alliance française. La croissance rapide des colonies britanniques, qui menaçaient leurs territoires, encouragea en effet ces derniers à soutenir la Nouvelle-France jusqu’aux dernières heures de la guerre de Sept Ans.

 

Publié en mai 2021

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