Xuanzang (602-664)

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Le moine Xuanzang passe pour le modèle du moine voyageur et il est incontestablement le paragon des traducteurs de textes bouddhiques indiens en chinois.

Après avoir acquis une certaine notoriété en Chine dès sa jeunesse, il part en Inde pour approfondir sa connaissance du bouddhisme et en revient environ seize ans plus tard, rapportant 657 ouvrages chargés sur vingt chevaux. À la capitale, il traduit, à la tête d’une équipe, quelque 75 de ces ouvrages couvrant près de 1400 rouleaux.

Le voyage

Né dans une famille de lettrés et de fonctionnaires de la province du Henan, Chen Hui reçoit l’appellation de Xuanzang. Entré en religion à Luoyang où il suivit son frère aîné, Xuanzang étonne par ses connaissances et son attitude. Il se passionne d’emblée pour les textes doctrinaux, notamment ceux de l’école épistémologique et plus particulièrement pour la Somme du Grand véhicule d’Asanga (4e s.). Au cours de la période troublée de la fin de la dynastie Sui, Xuanzang se rend au Sichuan où il reçoit l’ordination complète, à l’âge de 20 ans. Il est alors pénétré des textes de l’Abhidharma et du Yoga, connaît les soutras et maîtrise la discipline, qui constituent, avec les textes doctrinaux, les Trois Corbeilles. Et c’est souvent sous cette appellation, Tripiṭaka (Trois Corbeilles), que Xuanzang sera désigné. S’étant rendu à la capitale, Chang’an, il s’interroge sur les divergences d’interprétation des textes et estime que ce n’est qu’en Inde qu’il pourra trouver réponse à ses questions en particulier à propos de la théorie de la connaissance développée dans le Traité des terres des maîtres du yoga ou Yogācāra bhūmi śāstra, une somme qui avait été partiellement traduite en chinois et qui fut perdue. Xuanzang allait en trouver une version complète en Inde qu’il traduira à son retour, en cent chapitres. C’est le Yuqie shidi lun, dont quelques dizaines de manuscrits fragmentaires ont été retrouvés dans une grotte de Dunhuang. Celles-ci sont pour la plupart des copies du IXe siècle, faites à Dunhuang même ou dans la région, à un moment où ce texte connaissait un succès réel, grâce au commentaire qu’en fit un moine local qui fut lui-même traducteur, du tibétain vers le chinois comme du chinois vers le tibétain. Parmi les divers fragments manuscrits conservés à la BnF à Paris, on peut noter le manuscrit Pelliot chinois 2856, qui contient la fin du chapitre 5 et le début du chapitre 6.

Déterminé à partir, Xuanzang quitte en secret la Chine, sans tenir compte du refus qui lui a été signifié. Son voyage, qu’il entame en 629, allait durer seize ans. Les péripéties de son périple nous sont connues surtout par sa longue biographie rédigée par deux de ses disciples quelques années après son décès, Huili et Yancong. Cet ouvrage, intitulé Da Tang Da Ci’en si sanzang fashi zhuan a été traduit en français par Stanislas Julien en 1853 sous le titre Histoire de la vie de Hiouen-thsang et de ses voyages dans l’Inde depuis l’année 629 jusqu’en 645, puis en anglais peu après par Samuel Beal en 1888. Les informations qu’il donne sont particulièrement précieuses sur le bouddhisme indien autant que sur les expériences du héros, elles sont également de première importance sur le travail de traduction effectué par Xuanzang à son retour. Seule la partie se rapportant à la jeunesse puis au périple du voyageur a été traduite (cinq chapitres sur dix) par Julien et Beal.

Au cours de son voyage, Xuanzang parcourt l’Asie centrale et l’Inde non en pèlerin ordinaire, mais déjà en maître reconnu. Accueilli avec respect par les souverains des royaumes et cités qu’il traverse, il l’est aussi par les moines érudits à qui il en remontre parfois ou avec lesquels il est amené à débattre. Il réside assez longtemps à Nālandā et il y perfectionne ses connaissances dans les principaux traités de l’Abhidharma,  après quoi il espère se rendre sur l’île de Ceylan. Les désordres qui y règnent le font renoncer et, du pays tamoul il gagne l’Inde moyenne et la côte occidentale.  Le voyage de retour le fait passer par la vallée du Kapiśa, puis franchir les Pamirs, et rejoindre Kachgar, Khotan et Dunhuang avant d’atteindre la capitale. Il y est reçu avec tous les honneurs par l’empereur en personne, en 645.

Le Mémoire sur les contrées occidentales

De toute son aventure hors de Chine, Xuanzang allait produire un livre, exemplaire, le Mémoire sur les contrées occidentales, Xiyu ji. C’est à la demande de l’empereur Taizong (règne 627-649) que le Mémoire fut rédigé. Xuanzang le signe seulement en tant que traducteur, sans doute pour y avoir traduit nombre d’anecdotes et de paraboles, et il fut assisté par un disciple, le moine Bianji qui assura vraisemblablement un travail d’édition. L’ouvrage, présenté à l’empereur dès 646, comprend douze chapitres et évoque plus ou moins largement 144 pays de l’Asie centrale et du sous-continent indien. Conservé dans le canon bouddhique avec les œuvres historiques,  comme l’Histoire de la vie de Xuanzang, il n’en reste de l’époque des Tang que quelques manuscrits fragmentaires, à savoir trois extraits des trois premiers chapitres découverts à Dunhuang. Deux sont conservés à la British Library à Londres (S. 2659 et 958), le troisième à la Bibliothèque nationale, c’est le manuscrit Pelliot chinois 3814 qui comprend la fin du deuxième chapitre traitant du Gandhāra. L’ensemble du texte a été traduit en français par Stanislas Julien, sous le titre Mémoires sur les contrées occidentales, ainsi qu’en anglais par Beal, plus récemment par Li Rongxi. L’immense retentissement du voyage de Xuanzang a fait du personnage le modèle des pèlerins bouddhistes chinois. Une image d’un voyageur portant sur le dos une hotte chargée de rouleaux manuscrits a apparemment largement circulé aux VIIIe-Xe siècles et sans doute plus tard. On en a retrouvé, là encore, une dizaine d’exemplaires différents dont deux sur soie, et d’autres sur papier. Deux de ces images sont conservées dans le fonds Pelliot de la BnF (Pelliot chinois 4518.39 et 4029). On a cru un temps que ce voyageur pourrait être assimilé à Xuanzang, bien que sa physionomie au long nez évoque plutôt un Occidental et que Xuanzang ait rapporté des feuilles de palmier et non des rouleaux. Cette idée venait sans doute de ce que l’on connaissait des images assez semblables concernant un autre personnage que l’on assimila à Xuanzang. L’une d’elles fut tardivement gravée sur pierre et estampée à profusion.

Les traductions

Une fois revenu en Chine, Xuanzang passe le reste de son existence à traduire une partie des livres qu’il a ramenés de son voyage. Cette partie de sa vie est relatée en détail dans la seconde partie de sa grande biographie, notamment sa vie « mondaine », c’est-à-dire ses relations avec l’empereur Taizong et son fils ainsi que ses échanges épistolaires. Un grand nombre de ses traductions ont supplanté les traductions de ses  prédécesseurs. D’autres étaient entièrement inédites. L’une des plus connues et en tout cas la plus imposante est la traduction du Grand Soutra de la perfection de gnose, Da bore boluomiduo jing, immense compilation de plusieurs recensions différentes. L’ouvrage en chinois s’étend sur six cents rouleaux, soit plus de dix mille feuilles de papier. L’ouvrage fut largement diffusé et largement recopié, notamment à Dunhuang. Il subsiste d’innombrables manuscrits produits notamment à l’occasion d’une donation faite par le roi du Tibet dans la première moitié du IXe siècle.  Parmi  tous ces manuscrits deux peuvent être signalés. Si l’un, Pelliot chinois 2028, un extrait du chapitre 330, a été copié probablement au IXe siècle, l’autre, Pelliot chinois 2114, extrait du chapitre 277, pourrait l’avoir été beaucoup plus tôt, entre 695 et 705. Une sorte de condensé du « Cœur de la perfection de gnose », le Bore boluomiduo xin jing, constitue un bref soutra traduit par Xuanzang, si bref qu’il était communément appris par cœur et qu’il connut une diffusion très considérable. On en connaît plusieurs manuscrits dont le texte présente la particularité d’être disposé en forme de pagode. C’est le cas du manuscrit Pelliot chinois 2168. Parmi les 28 soutras, les deux textes de discipline et tous les traités traduits par Xuanzang, certains nous sont également parvenus sous forme manuscrite. Par exemple le manuscrit Pelliot chinois 3709, fragment du Fodi jing, Soutra de la Terre de Buddha, qui date de 649, soit quatre ans à peine après l’achèvement de sa traduction, en 645, l’année même du retour en Chine de Xuanzang. Y sont indiqués les noms des membres de l’équipe de traduction mise sur pied par le « maître de la Loi ».

Légende de l'illustration : Moine pèlerin porteur de livres.

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