L'étude et la traduction des textes fondateurs chinois

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À partir du XVIe siècle, les missionnaires jésuites découvrent les classiques chinois et entreprennent de les traduire, lançant ainsi les bases de la sinologie européenne et influençant en profondeur la pensée des XVIIe et XVIII e siècles.

Dès leur arrivée en Chine, les missionnaires jésuites Michele Ruggieri et Matteo Ricci réalisèrent l’importance des Quatre Livres et entreprirent les premières traductions, qui servaient notamment aux nouveaux arrivants pour apprendre le chinois.

Entre 1666 et 1670, Prospero Intorcetta, Christian Herdtrich, Philippe Couplet et François de Rougemont travaillèrent à améliorer les traductions grâce aux commentaires du philosophe Zhu Xi et du Grand Secrétaire Zhang Juzheng. La publication n’intervint que plus tard, quand Couplet se rendit en Europe. Melchisédech Thévenot, bibliothécaire du Roi, fit en sorte que Couplet vienne travailler à la Librairie Royale (l’ancêtre de la BnF) pour préparer l’édition finale. La BnF possède toujours les manuscrits sur lesquels Couplet travailla. Le Confucius Sinarum Philosophus parût en 1687, comprenant les traductions du Daxue, Zhongyong et Lunyu, ainsi qu’une présentation du Yijing, du taoïsme et du bouddhisme, et en annexe les tables chronologiques de l’histoire chinoise. De nombreuses parties de l’ouvrage furent rapidement traduites en français, italien, hollandais, allemand et anglais.

Avec son Sinensis imperii libri classici sex, publié à Prague en 1711, François Noël incluait pour la première fois les traductions latines du Mencius, Xiaojing, et Xiaoxue. La Description de la Chine par Jean-Baptiste Du Halde en 1735 contient de larges extraits des Quatre Livres, traduits en français à partir des traductions latines de Noël. En 1784, l’abbé Pluquet traduisit en français tout l’ouvrage de Noël. En 1776, une nouvelle traduction en français du Daxue par Pierre-Martial Cibot fut publiée dans les Mémoires des Chinois.

Au XVIIIe siècle, l’attention des jésuites se tourna vers les Cinq Classiques. Les figuristes Joachim Bouvet, Joseph de Prémare et Claude de Visdelou travaillèrent beaucoup sur le Yijing, mais leurs travaux n’ont pas obtenu l’autorisation d’être publiés. En opposition aux figuristes, Joseph de Mailla et Pierre du Tartre traduisirent de leur côté le Yijing, et Jean-Baptise Régis en acheva sa traduction latine en 1736, publiée seulement en 1864 par le sinologue allemand Julius Mohl, sous le titre, Y-King antiquissimus sinarum liber. Alexandre de la Charme traduisit en 1732 le Shijing, publié seulement en 1830 par Mohl. Antoine Gaubil acheva en 1739 sa traduction du Shujing, important pour l’histoire ancienne, publiée seulement en 1770 par Joseph De Guignes.

La sinologie au XIXe siècle n’est plus l’exclusivité des jésuites, et grâce à la chaire de langue et littérature chinoises et tartares fondée au Collège de France en 1814, des traductions françaises apparaissent, encore en grande partie dépendante du travail des jésuites. Le premier titulaire de la chaire, Jean-Pierre Abel-Rémusat proposa en 1817 une nouvelle traduction du Zhongyong, puis Stanislas Jullien en 1822 une nouvelle traduction du Mencius. Jean-Pierre Guillaume Pauthier, autre disciple d’Abel-Rémusat, offrit en 1840 une nouvelle traduction des Quatre Livres ainsi que celle du Shujing.

Entre 1870 et 1910, le jésuite Séraphin Couvreur réussit la formidable entreprise de traduire seul les Quatre Livres et quatre des Cinq Classiques. Par l’ampleur du projet et la qualité philologique, l’œuvre de Couvreur n’a pas pour l’instant été égalée, et elle est actuellement rééditée.

 

Légende de l'image : Confucius, le plus célèbre philosophe de la Chine / [tirée du P. Duhalde]

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