Le taoïsme : un contact ancien, mais une compréhension tardive

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Si le terme taoïsme apparaît dès les premiers écrits des missionnaires jésuites, l’histoire des rapports entre les Français et le taoïsme a très longtemps été celle d’une mécompréhension voire d’une ignorance réciproque.

Les premiers missionnaires jésuites en Chine, dont Matteo Ricci  (1552-1610), connaissaient l’existence du taoïsme, dont leurs amis lettrés leur parlaient, et le mentionnent dans leurs écrits, mais ils ne semblent pas avoir fréquenté les taoïstes ni avoir compris leur place dans la société et la culture chinoises. Pendant longtemps, les mentions des taoïstes sont méprisantes ; si les écrits anciens spéculatifs, notamment le Daodejing 道德經 (Livre de la Voie et de sa Vertu) de Laozi, sont traités avec respect, le taoïsme vivant est traité comme une superstition, ensemble informe de pratiques magiques en totale décadence par rapport à ses origines « philosophiques ». Ce préjugé, à la base de la distinction moderne et artificielle entre « taoïsme philosophique » et « religieux » aura la vie dure et se rencontre encore aujourd’hui.

Les premiers textes taoïstes dans les collections de la BnF

Malgré tout, des textes religieux chinois, et notamment taoïstes, sont rapportés en grand nombre dès le XVIIIe siècle : le catalogue de Maurice Courant de 1902 compte dans son chapitre X « taoïsme » 59 titres. Ce corpus important comprend quelques textes devenus rares en Chine même, comme par exemple le Shengjing huizuan 聖經彙纂 (compilation des textes révélés par les Saints) de 1806, qui est un bel exemple des compilations des textes religieux essentiels circulant chez les lettrés de la fin de l’empire. Bon nombre d’entre eux sont des « livres de morale » (shanshu 善書) qui sont le genre dominant de la littérature religieuse en Chine moderne ; tous les spécialistes ne les classent pas sous la catégorie « taoïsme » mais Courant n’avait pas tort, tant l’apport du taoïsme est crucial dans ce genre religieux qui propose une synthèse des traditions religieuses chinoises.

Les premières traductions

C’est sur la base de cette masse documentaire que les premiers sinologues non-missionnaires vont s’employer à explorer le taoïsme et à en traduire des textes essentiels. Parmi les ouvrages traduits, figurent bien sûr le Daodejing, mais aussi le texte sans doute le plus largement imprimé en Chine alors, et dont les éditions chinoises sont déjà nombreuses dans les collections de la Bibliothèque Royale, qui deviendra la BnF, le livre de morale le plus sacré : le Taishang ganyingpian 太上感應篇 (Versets du Très-Haut sur les effets des actes). Dès 1816, ce dernier était traduit en français par Jean-Pierre Abel-Rémusat (1788-1832), premier professeur de chinois au Collège de France (1814) et conservateur pour le chinois à la Bibliothèque Royale en 1824. Le livre est à nouveau traduit en 1835 (dans le but de corriger et compléter la traduction précédente) par Stanislas Julien (1797-1873) sous le même titre de Livre des récompenses et des peines. Rémusat comme Julien présentent l’ouvrage comme taoïste et emploient naturellement en français un vocabulaire religieux pour en rendre l’esprit. L’intérêt des sinologues pour le texte a cependant faibli par la suite, et on ne trouve jusqu’à la fin du xxe siècle que des rééditions de ces traductions anciennes.

Le canon taoïste

Paul Pelliot (1878-1945) au tournant du XXe siècle rapporte une vaste collection de manuscrits découverts à Dunhuang et achetés par lui ; si la majeure partie de ces textes sont bouddhiques, on y trouve aussi des documents taoïstes, certains inédits, qui contribueront à une meilleure compréhension du taoïsme médiéval et de ses pratiques.

Une autre étape cruciale est franchie avec l’étude du Canon taoïste (Daozang 道藏), une immense collection de quelque mille cinq cent textes publiés sous l’égide de l’empereur en 1445 (avec un supplément en 1607). La Bibliothèque royale a tôt acquis un exemplaire complet de cette précieuse collection. Ce n’est cependant qu’avec la réimpression et la large diffusion du Canon, à Shanghai en 1926, que l’étude du taoïsme dans toutes ses dimensions (philosophique, mystique, historique, liturgique, esthétique, sociale, morale, politique) va pouvoir commencer, avec notamment Henri Maspero (1883-1945) puis ses continuateurs qui vont découvrir sur le terrain la tradition vivante, et commencer à donner une vue d’ensemble de la plus mal connue des grandes religions du monde.

 

Légende de l'illustration : Lao zi dao de jing 老 子 道 德 經. Pelliot chinois 2347

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