Le Tiangong kaiwu
Le Tiangong kaiwu (Œuvres du ciel et exploitation des choses) est un ouvrage illustré sur les techniques chinoises du début du XVIIe siècle, source pour d'innombrables travaux dans le domaine. Deux éditions d’époque sont connues : la BNF détient un exemplaire de chacune ; ils sont conservés depuis environ trois siècles dans les collections françaises.
Le Tiangong kaiwu (天工開物, Œuvres du ciel et exploitation des choses) est un ouvrage sur les techniques du début du XVIIe siècle. En dix-huit chapitres, le livre traite d’agriculture et sériciculture ; tissus et teintures ; grains, sucre, huiles ; sel ; céramique ; fusion de métaux et production d’outils ; produits miniers et pierres précieuses ; papier et encre, etc.
Le livre
Son auteur, Song Yingxing宋應星 (1587-1666), était un petit fonctionnaire originaire du district de Fengxin奉新 (pas loin de la ville de Nanchang南昌, actuel chef-lieu de la province du Jiangxi), enseignant à l’école de district de Fenyi分宜, toujours au Jiangxi, au moment de l’écriture de son ouvrage. Il se retira de la carrière publique à la fin de la dynastie des Ming (1368-1644) ; ses écrits sont pour la plupart perdus. Le Tiangong kaiwu a été imprimé deux fois en Chine, en 1637 et à une date proche ; puis, une fois au Japon, vers 1771. Il a été repris sur le continent au début du XXe siècle dans une édition, agrémentée de nouvelles illustrations, publiée par Tao Xiang 陶湘 (1871-1940). L’originalité des contenus et la façon de les présenter ont déterminé au siècle dernier une prolifération de nouvelles éditions et d’études sur le Tiangong kaiwu. Les informations sont originales, prônant une amélioration technologique ; elles se présentent parfois comme le fruit d’une observation directe, à la différence d’une tradition littéraire qui privilégie les citations et ceci malgré le fait que le public visé par l’auteur reste celui d’une élite cultivée. L’autre caractéristique qui a attiré l’attention sur ce livre est la présence d’un nombre important d’illustrations, certaines soignées, d’autres pas, mais qui se démarquent dans un contexte général où les dessins techniques sont peu nombreux. Elles ont parfois été interprétées comme l’œuvre de Song lui-même. Le plus souvent, elles montrent l’homme en action – célèbre est l’image de la fabrication d’une ancre – plutôt que des objets, des outils ou des plantes isolées, comme on peut les trouver dans des ouvrages plus anciens ou contemporains sur les techniques agricoles (par exemple le Nongzheng quanshu 農政全書). Selon d’autres avis, hétérogénéité et approximation sont évidentes et les incongruités nombreuses – dans la même image de la forge, on notera les vêtements inappropriés des ouvriers.
Les éditions anciennes
La BNF conserve deux exemplaires du Tiangong kaiwu de deux différentes éditions du milieu du XVIIe siècle. L’une (Chinois 5563) est considérée, à présent, comme l’édition la plus ancienne : on y trouve une date à la fin de la préface (1637). Comme ce texte l’explique, Song Yingxing était sans moyens, mais l’édition fut également réalisée à Nanchang grâce aux encouragements et au soutien de Tu Shaokui 涂绍煃 (alias Boju伯聚, 1582-1645). L’ouvrage inclut une table des matières, mais manque de textes introductifs typiques de l’époque quand les auteurs et les éditeurs tenaient à agrémenter leurs publications de préfaces écrites par leurs connaissances, de préférence célèbres ; absents aussi les « notes aux lecteurs » et tout autre élément paratextuel. Rappelons que l’ouvrage fut conçu à quelques années de la fin de la dynastie des Ming et que le lieu de parution ne compte pas parmi les grands centres d’édition de l’époque.
Cet exemplaire, qui avait été considéré dans le passé comme une « deuxième édition », porte des sceaux de la Bibliothèque royale et se présente dans une reliure occidentale au chiffre de Louis-Philippe (1830-1850) ; dans une page, sa provenance, les Missions étrangères, a été notée.
Le deuxième exemplaire (Chinois 5564) inclut la même préface, mais elle n’est pas datée, ainsi les spécialistes parlent d’édition de la fin de la dynastie des Ming ou, plus souvent, du début de la dynastie des Qing (1644-1911). En ouverture on trouve une page de titre, avec une annonce au ton publicitaire et l’inscription « Yang Suqing de Shulin a gravé » (書林楊素卿梓). Cette édition vient probablement du nord-ouest du Fujian, qui a été pendant plusieurs siècles le lieu des activités d’éditeurs commerciaux, connus parfois pour des éditions piratées (est-ce le cas ici ?). Dans cette version non datée, les textes sont presque identiques à l’autre édition, mais ils ont été ponctués ; les illustrations, refaites, ont été réduites le long des marges et modifiées dans les éléments de contour ou du mobilier : à titre d’exemple, on remarque la disparition de la branche fleurie sur le côté de l’illustration de la production d’une ancre. L’exemplaire, qui se présente dans une reliure « à la chinoise » en trois fascicules, porte des sceaux de la bibliothecæ regiæ (du type utilisé jusqu’en 1724 ?).
Ces deux copies du Tiangong kaiwu faisaient partie des ouvrages déjà répertoriés par Étienne Fourmont (1683-1745), dans son catalogue de livres chinois : l’exemplaire dont la préface est datée correspond au n°359 du catalogue, tandis que l’autre exemplaire avait été répertorié sous deux entrées (n° 358 et n° 360). Ils ont probablement servi à Stanislas Julien (1797-1873) qui traduisit les passages sur le papier, l’encre, le vermillon, les objets en métal forgé… L’exemplaire non daté a clairement été utilisé, peut-être précédemment : des notes manuscrites (en latin et en transcription phonétique) sont écrites dans les pages d’illustration consacrées aux céramiques.