Henri Bertin (1720-1792)
Bénéficiant de l'appui de Mme de Pompadour, Bertin, né à Périgueux en 1720, fut nommé Contrôleur général des Finances en 1759, en pleine guerre de Sept Ans, alors que la situation financière de la France était catastrophique. En décembre 1763, la paix conclue, il démissionna et fut aussitôt nommé Secrétaire d'Etat, d'après L'Almanach royal pour 1764. Maintenu dans ses fonctions par Louis XVI, il occupa ce poste jusqu'en 1780. « Le Petit ministre » avait ainsi la haute main sur la Compagnie des Indes, les manufactures de coton, de porcelaine, l'agriculture, les mines, les haras, la navigation fluviale et ses canaux, les messageries, les loteries, etc. Il administrait en outre plusieurs généralités ainsi que les Isles de France et de Bourbon et tous les établissements de la Compagnie des Indes.
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Son intérêt pour la Chine, qui participe de la sinophilie à la mode en ce milieu du XVIIIe siècle, fut conforté par sa rencontre avec Pierre Poivre, le voyageur, alors que Bertin n'était que jeune intendant à Lyon. Sa rencontre avec les deux jeunes Chinois alors en France, Ko et Yang, venus solliciter un passage gratuit sur un bateau de la Compagnie des Indes dont il venait de recevoir la charge, fut à l'origine de la correspondance littéraire et scientifique qu'il entretint de 1764 à 1788 avec la Mission française de Pékin.
Persuadé de l'avance de la Chine dans les domaines agricole et technologique, il souhaitait que la France en bénéficie. Responsable de la Manufacture royale de Sèvres, il fit faire des enquêtes sur la fabrication de la porcelaine et sur le kaolin. Il confia l'échantillon de kaolin, qu'il avait reçu de Pékin, à l'archevêque de Bordeaux, en vue de la prospection. C'est ainsi que fut trouvé le gisement de Saint-Yrieix en Limousin et que débuta la fabrication à Sèvres d'une porcelaine « dure ».
Il demanda à Ko et à Yang de différer leur départ d'un an, fit compléter leur éducation scientifique et les renvoya à Pékin porteurs de questions, posées entre autres par Turgot. Ils devaient en chercher les réponses en Chine et les renvoyer à Bertin. Leur retour en Chine, leur réadaptation au pays ne furent pas aisés, et les pères jésuites de Pékin prirent le relais.
Malgré ses nombreuses occupations officielles, Bertin prenait personnellement connaissance des mémoires rédigés en Chine et les annotait et jugeait de leur intérêt à être publiés dans la grande collection des « Mémoires concernant les Chinois » dont il avait confié la direction à l'abbé Batteux, puis à Feudrix Oudart de Bréquigny.
Avec leurs traductions de textes chinois et leurs mémoires scientifiques, les pères de la Mission française de Pékin envoyaient des albums de peintures documentaires, des graines de plantes (pour en expérimenter la culture), des échantillons de minéraux, des objets divers : un métier à tisser, une charrue, une brouette, des instruments de musique, des pinceaux, de l'encre, de la colle,etc. Soucieux d'entretenir la bienveillance de Bertin à leur égard, et d'en obtenir de l'argent, ils lui adressaient également des « objets de curiosité », de belles éditions chinoises ou mandchoues
pour la plupart sorties de l'imprimerie impériale, ou même des peintures.
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Louis-Mathieu Langlès, conservateur des Manuscrits orientaux, avait pris pour la Bibliothèque Nationale tous les livres mandchous et chinois, qui restaient, ainsi que les manuscrits offerts par les Jésuites et les albums de peintures documentaires délaissés par Joly. En tout 107 articles furent remis à Langlès le 15 ventôse an IV (5 mars 1796), dont 36 furent transférés au cabinet des Estampes le 25 germinal an IV (14 avril 1796), les autres furent répartis dans divers fonds du département des Manuscrits : 52 articles (dont 23 sans titre) dans le fonds chinois et mandchou, le reste essentielle-
ment dans le fonds français.