L'Amphitrite (1698-1703)
Amphitrite, femme de Poséidon dans la mythologie grecque, est également le nom du premier vaisseau français à accoster sur les côtes chinoises. Après les Portugais, les Hollandais et les Anglais, la France entreprend, grâce à ce navire, le commerce direct avec La Chine. Au tournant du XVIIIe siècle, le vaisseau réalise ainsi deux expéditions.
Genèse du premier voyage de l’Amphitrite
L’histoire de ce vaisseau débute bien avant son départ pour Canton le 6 mars 1698 car le projet de cette expédition naît à Pékin et non en France. Lors de l’ambassade française au Siam en 1685, le vaisseau l’Oiseau embarque à son bord six jésuites qui doivent rallier la capitale impériale. Parmi eux figurent le père Joachim Bouvet (1656-1730) et le père Jean de Fontaney (1643-1710) . Après quelques années, l’empereur chinois Kangxi (1654-1722), avide de savoirs occidentaux, mandate le père Joachim Bouvet afin de ramener en Chine de nouveaux missionnaires français. Désigné « envoyé spécial de l’Empereur », le père Joachim Bouvet rentre en France en mars 1697.
Histoire de l’armement
En avril 1687, le père est reçu par Louis XIV qui n’est pas très enthousiaste dans un premier temps par ce voyage mais il se laisse convaincre car l’expédition représenterait une aide conséquente à la conversion de l’empire chinois. Néanmoins, le père jésuite ne parvient pas à obtenir le titre de vaisseau du roi. Après avoir contacté la Compagnie des Indes françaises qui se montre réticente à cette entreprise qu’elle juge audacieuse et risquée, le père Bouvet se tourne vers Jourdan de Groussey, responsable des ventes de la manufacture des glaces. Via le comte de Pontchartrin, le vaisseau l’Amphitrite de 500 tonneaux est acheté puis rapidement chargé de quantité de glaces, de marqueterie française, de portraits de la cour, de pendules, de montres et de liqueurs. Le récit de voyage de Froger, matelot sur le vaisseau, est très instructif sur la cargaison et sur leur finalité. Il fournit également de nombreux détails sur la route empruntée et la direction des vents. Celui du peintre italien Gio Ghirardini est plus pittoresque que le récit de Froger de la Rigaudière car il relate son expérience personnelle. En raison du manque de sources manuscrites sur le premier envoi, lacune qui est remarquée par Paul Pelliot, les récits de voyage constituent les premiers documents mobilisables pour connaître les détails de l’expédition.
De son départ de la Rochelle le 6 mars 1698 jusqu’à Canton le 2 novembre 1698, le voyage se déroule sans embûche même si l’équipage manque le détroit de la Sonde. Une fois arrivé à Canton, le statut du navire pose problème. Si Louis XIV n’a pas autorisé le titre de vaisseau du roi à l’Amphitrite, afin de ne pas froisser les Portugais, le père Joachim Bouvet affirme pourtant bien le contraire au capitaine de La Roque. Néanmoins, l’ambivalence de statut du navire, vaisseau marchand ou vaisseau de tribut, entraîne nombre de complications au sujet de la cargaison et des taxes à acquitter. Le vaisseau est finalement exempté de toutes les taxes marchandes et les biens destinés à la cour sont bien acheminés jusqu’à Pékin. Déchargement puis chargement ont entraîné de nombreux retard et l’Amphitrite ne repart de Canton que quatorze mois plus tard, le 26 janvier 1700.
Retour et second voyage
Le retour du vaisseau à Lorient le 3 août 1700 et la vente des produits chinois à Nantes est à la hauteur des ambitions placées dans l’expédition. La soie est autorisée à être écoulée en France tandis que les porcelaines des 181 caisses de la cargaison de retour se vendent très bien et font sensation en France. A partir de ce premier voyage, l’Amphitrite est armé une deuxième fois le 7 mars 1701 pour la même destination. Si le premier voyage ne fut qu’une tentative en vue d’établir des connaissances plus précises sur les biens commercialisables en Chine, les informations rapportées ont été très instructives pour le second envoi et rendent les deux expéditions indissociables l’une de l’autre. Elles ont également de grandes similitudes telles que l’établissement du commerce français dans cette région, la mise en place de deux ambassades officieuses, et le rôle des jésuites comme intermédiaires culturels. Sur ce point, le père Jean de Fontaney est au second voyage de l’Amphitrite ce que le père Bouvet fut pour le premier. Il rentre en France au terme du premier voyage du vaisseau et contribue à la mise en place de la seconde expédition. Savary des Bruslons, dans Le Dictionnaire universel du commerce, détaille par ailleurs la cargaison aller pour ce deuxième voyage. Cependant, le second voyage connaît de plus grandes difficultés (exemption refusée, démâtage, perte de l’ancre et de nombreux morts). Il laisse plus de 100 000 livres de pertes et représente ainsi une grande déception sur le plan commercial.
Considéré par Paul Pelliot comme le point de départ des relations franco-chinoises, l’Amphitrite ouvre la voie a plusieurs dizaines de vaisseaux français tout le long du XVIIIe siècle.
Légende de l'image : Le voyage en Chine : esquisse de décor de l'acte III : le bateau à vapeur " la pintade". P. Chaperon