Musique
L’étrangeté de la musique chinoise a frappé dès ses premières évocations en Europe.
L’étude des documents parvenus — textes, partitions, instruments, illustrations, enregistrements — montre surtout sa diversité, alliée à des constantes (instruments à cordes, à vent, tambours, cymbales et gongs, pentatonisme des échelles, unisson agrémenté d’hétérophonie, allures réglées).
Même si des documents plus anciens sont parvenus ultérieurement, la France découvre la musique chinoise à travers un aperçu paru dans la compilation du père du Halde, 1735. Les envois de Joseph-Marie Amiot, jésuite expert en musique qui séjourne à Pékin de 1751 à 1793, marqueront longtemps les esprits. Son envoi sur la musique moderne, essentiellement constitué de la traduction de textes officiels, sera suivi d’un autre sur la musique ancienne publié en 1780 et comportant de nombreuses illustrations et quelques partitions, dont un « Hymne en l'honneur des ancêtres » qui sera de nombreuses fois cité, et que l’on trouve même dans une tentative d’arrangement par Gossec. On doit à Amiot un autre envoi d’un intérêt majeur : quatre recueils manuscrits de notation musicale, en notation originale et en transcription sur portée, les Divertissements chinois documentant des musiques d’ensemble que l’on peut lier au genre Shifan joué dans le Nord et la Musique sacrée 聖樂經譜, treize prières catholiques en chinois.
Ces textes et ces partitions, même ceux demeurés manuscrits, seront recopiées de nombreuses fois par Rousseau, La Fage, Fétis. L’exposition universelle de Londres est l’occasion de compte-rendus de Berlioz et Fétis, 1851, puis celle de Paris, 1867, des premières représentations spectaculaires chinoises avec musique, en particulier de L. Haenel de Cronethal. Une suite d’articles de Charlotte Devéria accompagne la vogue de la chinoiserie musicale dont l’emblème est sans doute « Ba-ta-clan » d’Offenbach. L’association remarquable d’une photo authentique avec une polka d’origine douteuse est tout à fait dans l’esprit du temps.
En 1921, Maurice Courant, sinologue et bibliothécaire, renouvellera largement la vision de la musique chinoise en France avec un article d’encyclopédie très complet et comprenant de nombreuses sources et références, y compris des notations musicales. Courant a pu consulter des partitions musicales, comme des recueils de cithare qin de 1573, de 1677 ou de 1864 et un recueil important de luth pipa de 1819.
Les partitions les plus rares sont bien entendues les plus anciennes, et parmi elles figurent les notations pour luth pipa (datables d’avant 933) trouvées à Dunhuang par Paul Pelliot en 1908.
Les instruments sont figurés sur des illustrations de Lagrené, qui met à part les trompes et les gongs comme les cloches, ou encore chez Malpière, qui représente un marchand de flûtes. Parmi les instruments envoyés par Amiot figurent les orgues à bouche envoyés en 1776, parmi les premiers à parvenir en Europe, mais plus d’un siècle après celui, provenant de Thaïlande ou du Laos, que Marin Mersenne a pu admirer. On comparera cette image à l’illustration d’Amiot et à celle de l’Encyclopédie d’après Blanchini.
L’invention de l’enregistrement sonore permettra de documenter la voix chantée, absente des objets et images transmises et peu présente dans les partitions. On entend ainsi un poète résidant en France, chantant en 1925 deux poésies. Plus insolite, l’envoyé extraordinaire du président de la République chinoise raconte sa mission et chantonne une version inconnue de l’hymne national.