La colonisation des Antilles françaises commença aux marges du territoire occupé par les Caraïbes ou Kalinago avec la création de la Compagnie de l'Isle de Saint-Christophe. Les Français, sous l’impulsion du cardinal de Richelieu, conseillé par Pierre Belain d’Esnambuc, et les Anglais poussés par Thomas Warner décidèrent de prendre possession de l’île et de se partager le territoire en fonction des personnes qui s’y trouvaient. Les Anglais occupèrent le centre, les Français les deux extrémités. Selon les règlements de la Compagnie, ceux-ci devaient promouvoir la religion catholique parmi les Amérindiens, y amener des prêtres et refuser toute pratique d’une autre religion. Or, une grande partie de la population d’origine française qui s’y trouvait, était de confession protestante et les mêmes contraintes furent imposées à la Compagnie des Iles de l’Amérique, qui prit la suite en 1635. Les colons protestants, établis dans les premières années, avec à leur tête le sieur Le Vasseur, avaient négocié leurs droits. En 1640, afin de s’en libérer, le gouverneur général de Poincy finança une expédition vers l’île de la Tortue organisée en « République huguenote ». Elle fut à l’origine de la colonisation française d’une partie de Saint-Domingue.
L’émigration protestante en direction des Antilles fut importante, favorisée par l’implication de la communauté dans le commerce maritime et la banque. Une grande partie des engagés était issue des paroisses huguenotes. Avant l’application de l’Édit de Fontainebleau, les colons venaient de La Rochelle et sa région, puis, Dieppe, Bordeaux et le sud de la France.
Jusqu’en 1654, les Hollandais installés dans les bourgs, de Basseterre à Saint-Christophe et de Basse-Terre à la Guadeloupe, Saint-Pierre de la Martinique, se contentaient de commercer. Ils faisaient crédit et réalisaient de faibles marges compensées par un tonnage important et les retours. Ce commerce interlope centré sur Amsterdam, Rotterdam, Middelburg, Flessingue, s’appuyant sur 2 000 navires de haute mer, causa la faillite des compagnies à monopole. En 1654, certains d’entre eux, chassés du Nordeste du Brésil par les Portugais, s’installèrent dans les îles françaises. Ils y introduisirent le système de plantation pour la production de sucre et de rhum (guildive) avec une main-d’œuvre servile africaine. Membres de l’Eglise Réformée hollandaise, ils s’allièrent aux protestants locaux et constituèrent une minorité influente dans le commerce, l’agriculture et l’administration. Interdit au grand mécontentement de la population, le commerce hollandais se poursuivit avec Saint-Eustache. Cependant, ilreprit une place si importante que le roi, en 1672, demanda aux gouverneurs locaux de ne pas appliquer les mesures prises contre les Hollandais installés en France.
Colbert s’appuya sur les protestants lors de la création la Compagnie des Indes Occidentales en 1664. Les premiers commis généraux, les sieurs Du Buc en Martinique, Rouvelet en Guadeloupe et Pierre Le Royer à Saint-Christophe, ainsi que le petit personnel administratif étaient proches des financiers protestants.
Les protestants avaient intégré une partie de l’administration. Quelques gouverneurs étaient issus de familles protestantes : M. de Baas, gouverneur général de 1667 à 1677, son neveu, M. de l’Herpinière, gouverneur de la Guadeloupe le 14 septembre 1677 après le décès de M. du Lion, Constant D’Aubigné fut gouverneur de Marie-Galante et Jean-Baptiste de Gennes de 1699 à 1702, dernier gouverneur français de Saint-Christophe resta fidèle à sa religion. Une grande partie des capitaines de milices et certains conseillers aux conseils souverains ou supérieurs étaient membres de la communauté. En Guadeloupe, en 1687, sur dix-huit compagnies de milice, six avaient pour capitaine un protestant. Cette situation posa le problème de la fidélité des défenseurs lors des attaques ennemies.
Le culte ne pouvait qu’être domestique. Il se déroulait dans les habitations privées. A Saint-Pierre, les protestants se réunissaient dans un cabaret. On ne connaît avec certitude qu’un pasteur, Charles de Rochefort, l’aumônier de Le Vasseur, auteur d’une Histoire naturelle de l’Amérique (1667). Un dénommé Neau de Baie-Mahault se dévoila quand il émigra en Amérique du Nord, en voulant convertir les Amérindiens. A Capesterre de Guadeloupe, une femme nommée Semith procédait aux baptêmes des enfants avant qu’ils ne soient présentés au curé pour leur inscription sur le registre de catholicité. Le curé qui n’était pas dupe le signalait.
Les missionnaires catholiques s’attachèrent à lutter contre la présence des protestants. Tant que Colbert fut présent, ils se heurtèrent à une fin de non-recevoir. Cependant, à partir de 1678, fin de la Guerre de Hollande, l’action des jésuites s’intensifia et les offensives se multiplièrent. Les protestants furent condamnés collectivement en Martinique et à Saint-Christophe pour les contraindre à la discrétion. Une série de mémoires fut envoyée directement au Roi demandant l’expulsion des juifs et la conversion obligatoire des huguenots. Le dernier en 1685 servit de trame à la lettre du roi rendant obligatoire l’abjuration des protestants des Antilles. Dans un premier temps, l’Edit de Fontainebleau ne fut pas appliqué dans toute sa rigueur aux Antilles. Cependant l’Edit de mars 1685 que l’on appelle abusivement « Code Noir », traite du problème religieux dans ses premiers articles.
Dans son ordonnance du 24 septembre 1683 et dans le mémoire du 12 avril 1685, le roi rappelait que seule la religion catholique était autorisée.
La Révocation de l’Edit de Nantes fut marquée par l’arrivée de déportés choisis parmi les protestants « obstinés » dans les bagnes de France ; 356 hommes et femmes dispersés dans toutes les îles s’évadèrent avec l’aide des protestants antillais et, par sa lettre du 30 septembre 1686, le roi ordonna d’obtenir l’abjuration des protestants antillais. Le 6 mars 1687, le gouverneur général en accusa réception et rendit compte de la situation. Il avait réuni les supérieurs des missions pour leur demander leur avis et informa les gouverneurs particuliers de son arrivée. Les huguenots de la Martinique furent rassemblés le 17 mars 1687. On leur fit connaître les ordres du roi, puis ce fut au tour de la Guadeloupe où on convoqua les chefs de familles. Le 26 mars à Saint-Christophe, le gouverneur M. de Saint-Laurens avait tenté, en pure perte, de fermer la frontière. Les protestants locaux rassemblèrent leurs biens (esclaves, chaudières) et passèrent en masse chez les Anglais. Les protestants antillais émigrèrent dans les îles voisines, néerlandaises, anglaises, danoises, et en Amérique du Nord, à Charleston, New-York… Les familles des propriétaires terriens laissaient un membre sur place qui abjurait officiellement pour conserver les biens matériels en attendant de pouvoir les vendre. Très rapidement, l’évasion pour religion fut assimilée à un décès et le membre présent « héritait » des biens délaissés.
La communauté se réduisit drastiquement et l’endogamie favorisa l’accroissement de la richesse des familles restées sur place. En 1711, un recensement effectué par les curés donne l’image d’une communauté réduite à sa plus simple expression. Les « Religionnaires obstinés » étaient peu nombreux. Les îles étaient devenues catholiques à l’exception de Saint-Martin.
Après la guerre de Sept Ans, les Français voulurent repeupler celle-ci. Ils acceptèrent des habitants non-catholiques : créoles hollandais et anglais venus de Saba, Saint-Eustache et Saint-Martin partie hollandaise, Anguilla, Névis, Saint-Christophe qui s’installèrent avec leurs esclaves. Membres de l’église réformée (pour les Hollandais et descendants de Français émigrés) anglicans et presbytériens, ils passaient la frontière pour pratiquer leurs cultes ou se rendaient dans les îles voisines pour les baptêmes et les mariages. Leurs esclaves étaient encadrés par le curé.
Par la signature de l’Edit du 7 novembre 1787, le roi rendit un état-civil aux protestants de France puis étendit ces dispositions aux colonies par celui de novembre 1788. Peu de familles protestantes, à la réserve de Saint-Martin, avaient réussi à se maintenir dans leur foi initiale.
Avec la Révolution le problème religieux passa au second plan. Toute pratique religieuse fut interdite par Victor Hugues en Guadeloupe et ses dépendances alors qu’elle se maintenait dans la Martinique occupée. En 1802, les églises furent rouvertes et le culte organisé selon le Concordat. Les prêtres, peu nombreux, négligèrent les petites îles comme Saint-Martin. Les esclaves y furent livrés à eux-mêmes alors que les maîtres avaient conservé leurs organisations ecclésiastiques. En 1819, la société des missionnaires Wesleyens de Londres (méthodiste) envoya un prêcheur laïc dans la partie hollandaise de Saint-Martin. Il convertit également les esclaves de la partie française. A partir de 1830, grâce à l’envoi de membres du clergé, une petite communauté catholique se reconstitua mais la majorité de la population resta méthodiste. Lors de l’abolition de l’esclavage, un pasteur français, Louis Frossard, fut envoyé, mais étant de l’église réformée alors que ses ouailles étaient essentiellement méthodistes, il fut en butte à des difficultés insurmontables. Il rejoignit la Guadeloupe en 1856 où il tenta de créer une église réformée mais il s’éteignit à Basse-Terre le 29 décembre 1873 et personne ne vint le remplacer.
Lorsqu’en 1911, la séparation des Eglises et de l’Etat s’appliqua aux Antilles, l’Eglise catholique qui était très organisée, se maintint majoritairement dans les différentes îles grâce à son clergé, sa presse et ses œuvres sociales. A partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale, de nouvelles obédiences religieuses apparurent. Les archives de l’évêché signalent en 1946, la présence de quelques adventistes, puis arrivèrent des adeptes d’autres obédiences d’origine américaine. Cependant, la population reste majoritairement catholique.
Publié en décembre 2024