Sous le régime français, La Nouvelle-Orléans ne tira que faiblement partie de sa position de porte d’entrée du Mississippi, mais elle devint très vite une société esclavagiste sous l’influence de Saint-Domingue.
La ville de La Nouvelle-Orléans, qui doit son nom au Régent Philippe d’Orléans, fut fondée en 1718, mais ne fut promue au rang de capitale de la Louisiane qu’en 1722. En 1717, le monopole commercial de la colonie avait été confié à la Compagnie d’Occident qui prit le nom de Compagnie des Indes deux ans plus tard. Cette compagnie faisait partie du « Système » mis en place par le financier écossais John Law dans le but de transformer la France en une grande puissance commerciale et de résorber ses dettes après les guerres de Louis XIV. Elle attendait beaucoup de la mise en valeur de la Louisiane.
La compagnie décida de déplacer l’effort colonisateur des côtes du golfe du Mexique vers le Mississippi et de construire un entrepôt commercial à proximité de son embouchure. Le fleuve devait servir d’épine dorsale à la colonisation de la grande Louisiane de la mer aux Grands Lacs. Quant à la ville neuve, elle devait maintenir les relations avec la métropole, soutenir le commerce avec les colonies espagnoles voisines et contrôler les établissements coloniaux fondés en amont sur le fleuve et ses affluents pour produire tabac et indigo. Le site choisi par le commandant Jean-Baptiste Le Moyne de Bienville, avec l’aide d’informateurs amérindiens, sur un méandre du Mississippi était éloigné de la mer mais y donnait un double accès via le delta et les lacs Pontchartrain et Borgne. À proximité se trouvaient des villages de nations amérindiennes alliées qui pouvaient participer à son approvisionnement et à sa défense.
Les ingénieurs au service de la compagnie avaient conçu un plan hippodamien de 88 hectares avec une place centrale sur le premier rang ouverte sur le fleuve. Mais la construction de la ville fut longue et difficile. Les premiers bâtiments en bois furent détruits par un ouragan en 1722. Contre les inondations printanières du Mississippi, il fallut élever et renforcer le talus naturel bordant le fleuve. Ces levées en terre furent achevées en 1724. Le sol demeurant marécageux, des canaux furent aussi creusés le long des rues et de petits ponts de bois installés aux carrefours. À la fin des années 1730, la place centrale était bordée au fond par l’église paroissiale, flanquée du couvent des Capucins et de la geôle avec la garde, et sur les côtés par des casernes en briques. Au terme du régime français, le parcellaire demeurait irrégulier et la totalité de la grille initiale n’était pas encore bâtie.
La population de la ville augmenta, en effet, lentement. Ses premiers habitants furent des soldats, des engagés et des prisonniers européens, ainsi que des esclaves africains en charge de sa construction. Les détenteurs de concessions sur le fleuve possédaient aussi des maisons en ville sans y résider en permanence. Mais le système des concessions s’effondra après la chute du Système de Law et la fuite du financier écossais en 1722. Les travailleurs blancs qui avaient terminé leur temps d’engagement vinrent s’installer en ville et un régime de travail libre s’y développa à côté de l’exploitation des esclaves africains dont le nombre augmenta avec l’essor de la traite. Entre 1729 et 1731, la guerre des Natchez provoqua l’arrivée en nombre de colons réfugiés à La Nouvelle-Orléans. Au sortir du conflit, la Compagnie des Indes choisit de rendre son monopole commercial à la Couronne et de cesser la traite en provenance d’Afrique, la plupart des nouveaux esclaves étant dorénavant amenée des Antilles. Dans les années 1740 et 1750, la ville, qui vivait essentiellement du commerce, continua cependant à croître. Elle connut un nouvel afflux de population après la cession de la colonie à la Grande-Bretagne et à l’Espagne à l’issue de la guerre de Sept Ans. En 1766, La Nouvelle-Orléans comportait près de 3000 habitants dont plus de 44% d’esclaves d’ascendance africaine.
Avec le temps une zone de plantations de tabac et d’indigo s’était formée en aval et en amont de la ville. Si la Louisiane française ne parvint pas à développer une économie exportatrice florissante, elle n’en adopta pas moins un système de plantation esclavagiste sur le modèle des colonies antillaises qui l’avaient précédée et avec qui elle entretenait des relations étroites. La Nouvelle-Orléans contrôlait la redistribution des esclaves amenés en Louisiane et jouaient un rôle important dans la surveillance et la discipline de la main d’œuvre servile des plantations alentours. La société urbaine elle-même fut marquée par le développement d’un esclavage racial sous l’influence domingoise. Aussi peut-on considérer La Nouvelle-Orléans comme une ville caribéenne plus que nord-américaine. C’est d’ailleurs pour protester contre l’imposition de l’Exclusif espagnol (l’obligation de commercer à l’intérieur des frontières de l’empire) et la rupture des relations commerciales avec les Antilles françaises qu’en 1768 les habitants de la capitale louisianaise organisés en milices et menés par le Conseil Supérieur se révoltèrent contre le premier gouverneur espagnol. La Couronne d'Espagne ne parvint à imposer sa souveraineté qu’en 1769.
Publié en mai 2021