Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la France forma un empire atlantique qui était autant esclavagiste que colonial.
Dès la fondation de premiers établissements coloniaux durables aux Amériques au début du XVIIe siècle, les Français eurent recours à l’esclavage. En 1315, le roi Louis le Hutin avait pourtant interdit l’institution esclavagiste dans le domaine royal. En 1576, le jurisconsulte Jean Bodin avait aussi rappelé dans les Six livres de la République le principe du sol libre de France selon lequel tout esclave mettant pied sur le sol du royaume devenait libre. Mais les Français participaient à la guerre de course en Méditerranée entre puissances chrétiennes et musulmanes, les captifs étant soit échangés contre rançon, soit réduits en esclavage et employés comme rameurs sur les galères. Surtout, leurs prédécesseurs au Nouveau Monde, les Ibériques, avaient précocement développé la traite transatlantique des esclaves africains et exploité des esclaves tant amérindiens qu’africains. Enfin, les autochtones pratiquaient eux-mêmes l’esclavage.
Le soutien de la Couronne française au développement de la traite transatlantique des esclaves correspondit au moment où, dans les années 1660, elle décida d’accroître son contrôle sur ses colonies américaines, alors que la plupart avait été gouvernée jusque-là de manière autonome par des compagnies ou de grands seigneurs. Il s’agissait de confisquer les profits de l’économie coloniale et esclavagiste à l’avantage de la métropole à travers l’imposition du système de l’Exclusif, qui restreignait le commerce au sein des frontières impériales, et le prélèvement de taxes sur les échanges entre métropole, postes de traite et colonies. En 1674, les îles entrèrent dans le domaine royal.
L’État soutint également l’essor du système esclavagiste par son activité législative. Après la publication d’ordonnances locales dans les petites Antilles dès 1664, Jean-Baptiste Colbert décida, au début des années 1680, de consulter les autorités coloniales afin de rédiger un code général définissant le statut des esclaves et régulant les relations entre maîtres et esclaves. Le résultat fut l’édit royal que l’on a appelé plus tard Code Noir et qui fut promulgué en Martinique et en Guadeloupe en 1685. L’empire français devint ainsi le seul empire avant la seconde moitié du XVIIIe siècle dans lequel une législation spécifique sur l’esclavage colonial émana de métropole. Le Code Noir fut ensuite promulgué dans chaque colonie française, y compris en Louisiane en 1724 dans une version en partie modifiée. Le Canada fut l’exception, mais le roi y autorisa l’importation d’esclaves africains en 1689 et y légalisa l’esclavage amérindien en 1709.
Si la Couronne donna à toutes ses colonies les moyens juridiques de perpétuer l’esclavage, le phénomène n’eut pas la même importance d’une région à l’autre de l’empire. Le Canada demeura une société à esclaves : les esclaves y étaient peu nombreux et ne jouaient pas un rôle de premier plan dans le système productif. Les autorités coloniales et les colons du Canada firent bien venir quelques esclaves africains des Antilles, mais la traite des fourrures qui fournissait la principale marchandise d’exportation reposait sur la bonne volonté des Amérindiens. L’esclavage des autochtones participait cependant de la négociation des relations géopolitiques avec les Premières Nations puisqu’il permettait de distinguait celles qui faisaient partie ou étaient exclues de l’alliance franco-amérindienne sans laquelle les Français n’auraient pu se maintenir en Amérique du Nord.
Au XVIIIe siècle, le cœur esclavagiste de l’empire atlantique français se situait dans la grande Caraïbe et incluait les Antilles, la Guyane et, jusqu’en 1769, la Louisiane. Dans les îles, les Français avaient immédiatement cherché à développer des économies de plantation, mais ils employèrent d’abord des engagés européens, à côté de quelques esclaves amérindiens et africains. Le passage de la culture du tabac à celle de la canne à sucre dans le dernier quart du XVIIe siècle accéléra ensuite la transition vers le système esclavagiste en Martinique et en Guadeloupe, alors que la traite française prenait son essor. Le phénomène fut plus tardif à Saint-Domingue, mais la colonie prit la première place dans le premier quart du XVIIIe siècle. Les esclaves en vinrent à représenter 80 à 90% de la population totale dans les années 1780. Leurs conditions de vie et de travail différaient entre les villes et les plantations et, sur les plantations, selon la plante cultivée, canne à sucre, café ou indigo.
En 1789, Saint-Domingue, la plus riche des colonies au monde, faisait la fortune du commerce colonial et extérieur français quand éclatèrent les Révolutions française et haïtienne. Après la première abolition de 1794, l’esclavage fut rétabli dans les colonies américaines demeurées françaises en 1802. Il fallut attendre 1848 pour que l’émancipation des esclaves fût définitivement obtenue.
Publié en mai 2021