Le sanskrit, l'une des langues indo-européennes les plus anciennement attestées, a joué un rôle fondamental pour l'établissement de la parenté entre ces langues. Depuis au moins 1500 av.n.è., il a été l'un des vecteurs principaux de la diffusion des modes de pensée et des littératures de l'Inde. D'abord attesté par le corpus védique dans son état de langue le plus ancien, le sanskrit védique, il est la langue des Upaniṣad, textes brahmaniques sur l'âme et l'Absolu, celle des épopées du Rāmāyaṇa et du Mahābhārata, lequel inclut la fameuse Bhagavadgītā (Chant du Bienheureux), des légendes anciennes fondatrices du shivaïsme et du vishnouïsme, les Purāṇa, celle d'une riche littérature de contes, de pièces de théâtre, de fictions de type romanesque et de poésie aux formes variées.
Langue de l'élite brahmanique et de l'hindouisme, dont se démarquent les traditions bouddhique et jaïnes, qui utilisent au départ les langues du commun (les prakrits), par opposition au sanskrit, "parfaitement formé", que certains considèrent comme "la langue des dieux", "pure" et "éternelle", ce dernier est à la fois la langue du savoir (les śāstra) et, au fil du temps et d'un usage qui ne se dément jamais, une langue véhiculaire supra-régionale que se sont approprié les milieux les plus divers dans tous les territoires et qu'on a toujours continué à utiliser parallèlement aux langues vernaculaires. Le sanskrit, dont la morphologie et le vocabulaire sont très riches et qui fait très grand usage des composés nominaux, est une source importante, mais non unique, pour le vocabulaire des langues moyen-indiennes et néo-indiennes (indo-aryennes, mais aussi dravidiennes dans une certaine mesure) et entre, par exemple, dans la constitution de néologismes de type savant.
L'appétit pour le sanskrit, perçu comme antique langue de culture, explique que les premiers ouvrages entrés à la Bibliothèque nationale aient été des manuscrits en cette langue. Les jésuites y envoient des outils linguistiques nécessaires à l'apprentissage de cette langue. Le fonds de 168 manuscrits en sanskrit en caractères bengalis collectés par le père jésuite Jean-François Pons (1698-1757) depuis Chandernagor est notable. On y trouve notamment une copie ancienne sur feuille de palmier de Śakuntalā, célèbre pièce de Kālidāsa, qu'utilisa A. de Chézy (1775-1832) pour son édition et sa traduction. J.-F. Pons est également l'auteur d'une grammaire du sanskrit, qui utilise l'écriture bengali dans l'un de ses manuscrits et l'écriture telougou dans l'autre. Le jésuite avait été en contact direct avec les transmetteurs indiens de la grammaire sanskrite autochtone (le vyākaraṇa) et a utilisé deux de ses représentants pour sa propre description, qui couvre les lettres (c'est-à-dire phonèmes et caractères), y compris le sandhi, les pronoms, les cas, les paradigmes nominaux et verbaux et aussi la syntaxe. Elle servit de manuel à Chézy, mais aussi à d'autres savants internationaux. La création de la chaire de sanskrit du Collège de France, occupée par Chézy de 1815 à 1832, puis par E. Burnouf de 1832 à 1852, a un retentissement international sur la naissance et le véritable développement des études sanskrites dans toutes leurs dimensions. En parallèle, tout au long du XIXe siècle, savants ou parfois amateurs s'attellent à traduire en français les œuvres littéraires sanskrites.
Rédigée en janvier 2023