« S’il n’y plus de lecteurs pour les bons livres en France, il y en a encore à Bombay. » James Darmesteter, 1891.
Le Cercle Littéraire, baptisé dans un premier temps le Cercle Franco-parsi, est inauguré en novembre 1886. Le nom est modifié afin de ne pas éveiller les suspicions des autorités britanniques. Les dons de riches membres de la communauté parsie, particulièrement Dinshaw Petit, permettent la constitution d’un véritable centre de promotion et de diffusion de la culture française. Cette création est notamment la conséquence directe de l’admission du français parmi les secondes langues aux examens universitaires, : « Avant 1886, le français n’était pas reconnu comme une des secondes langues pour les examens des cours d’enseignement supérieur par l’université de Bombay. Il n’était inclus que dans le programme des matières prescrites pour les examens d’entrée ou d’immatriculation. Ce fait en lui-même, aussi bien que les rapports de plus en plus importants entre l’Inde et l’Europe depuis le début des années 70, le grand afflux d’étudiants indiens pour la poursuite de leurs études pour les emplois administratifs et les professions libérales, et le nombre de plus en plus grand de messieurs et de mesdames qui avaient entrepris l’étude du français, permit effectivement d’ouvrir les yeux des étudiants comme des parents et des tuteurs sur l’immense avantage de l’étude de la langue française comme outil de grande culture, et de succès professionnel. »
Aussi, selon James Darmesteter: « Pendant que le français entrait par la brèche dans l’université et l’enseignement officiel, il pénétrait sans lutte dans la société privée. Quelques jeunes amateurs de français se réunissaient et formaient un club français et une bibliothèque française. »
Dans son ouvrage Lettres sur l’Inde : à la frontière afghane, il mentionne :
« 22 novembre : Par un hasard heureux, j’arrive juste à temps pour assister à une fête française des plus inattendues, et d’autant plus précieuse que l’initiative française n’y est pour rien et le génie de la France y est pour tout. On ouvre ce soir le Cercle Littéraire, fondé par des étudiants parsis pour l’étude de la langue et de la littérature française. L’histoire vaut la peine d’être contée.
Il y a trois ans, deux jeunes filles parsies, Mihirbai et Ratnabai, filles de l’avoué Ardéchir, se présentèrent en demandant à être interrogées sur le français. On refusa et on leur dit : Passez une des six langues classiques : latin grec, sanscrit, arabe, hébreu, ou persan. Le père envoie une pétition au Sénat de l’Université pour que le français soit introduit comme septième langue classique. La pétition est repoussée ; nouvelle pétition, appuyée par un vif mouvement d’opinion parmi les parsis et défendue avec énergie dans le Sénat par un Espagnol, le professeur Pedrazza, le véritable créateur du mouvement français. »
Dès les années 1890, la bibliothèque contient 1 836 ouvrages sur des thèmes très variés qui attestent d’un « savant éclectisme ». En 1891, il compte près de 200 adhérents. À côté des rares Français de Bombay, on y retrouve quelques Européens – Anglais et Portugais - des hindous, des juifs, et des musulmans. La moitié des membres reste toutefois composée par la communauté parsie.
Dans l’Inde aujourd’hui, Albert Métin livre des impressions similaires :
« On nous avait dit, non sans raison, que nous rencontrerions chez eux quelque sympathie pour la France : à l’hôtel, en chemin de fer, dans la rue, des parsis nous ont questionné avec curiosité sur la France et ont témoigné pour elle un intérêt marqué (…). On nous a présentés au club parsi où se trouvaient plus de vingt gentlemen parlant le français et nous y avons passé la plus gaie de toutes nos soirées de Bombay, la seule sans étiquette et sans habit. On nous conduisit au Cercle Littéraire parsi, la seule institution de toute la présidence de Bombay qui figure sur l’annuaire de l’Alliance française pour la propagation de notre langue. »
En 1902, le Cercle littéraire s’illustre par sa réplique contre la tentative d’exclusion du français des programmes des universités (voir article le français en Inde).
Publié en janvier 2023