Eugène Burnouf (1801-1852) et Manockjee Cursetjee (1808-1887)

Les recherches philologiques entreprises par Eugène Burnouf sur l’Avesta l’amenèrent à solliciter directement, à partir de 1835, le parsi Manockjee Cursetjee afin que ce dernier pût lui procurer et lui envoyer de Bombay des copies de textes en avestique et en pehlvi accompagnés de leur traduction sanskrite.

Eugène Burnouf qui travaillait sur le Zend-Avesta, dans la continuité de l’œuvre publiée par A. H. Anquetil-Duperron (1731-1805), mais par une approche méthodologique différente visant à saisir le texte par une comparaison avec la langue sanskrite, notamment védique, dut se rendre personnellement à Londres et à Oxford, au printemps 1835, dans l’espoir d’y collationner et recopier des textes avestiques et védiques et ainsi poursuivre son long travail philologique de restitution de l’histoire de la langue sanskrite. Dès 1826, dans le cadre de ses recherches sur la langue bouddhique pālie, il était entré en contact avec Alexander Johnston (1775- 1849), vice-président de la Royal Asiatic Society de Londres et ancien magistrat de Ceylan, qui était rentré en Grande-Bretagne en 1819 et qui lui avait fait parvenir à Paris une grammaire de pāli ainsi qu’un manuscrit du Mahāvaṃsa. Aussi, lorsque Burnouf lui rendit personnellement visite fin avril 1835, il eut l’occasion non seulement de dresser la liste des manuscrits avestiques dont il avait besoin – cette liste fut alors transmise directement par A. Johnston à Robert Grant (1779-1838), gouverneur de Bombay –, mais encore de voir plusieurs textes avestiques accompagnés de leur traduction en sanskrit que le « fameux Parse, Manack-dji Curset-dji » lui avait envoyés. E. Burnouf décida donc d’écrire immédiatement à Manockjee Cursetjee (Manakji Kharshedji, Manekji Khurshedji ou Manackjee Cursetjee) afin d’obtenir également de lui des traductions sanskrites des différentes parties de l’Avesta. Car si la langue védique lui permettait de s’assurer de racines verbales indo-iraniennes communes, le champ sémantique singulier de certains termes avestiques lui résistait encore. En s’appuyant sur les équivalences opérées par les traducteurs indiens, il pouvait alors espérer restituer la terminologie propre aux textes liturgiques zoroastriens. Cet espoir reposait d’ailleurs, en partie, sur une rumeur qui circulait depuis Anquetil-Duperron au sujet de l’existence probable d’une traduction sanskrite des sept premiers chapitres (fragards) du Vidēvdād.

Aussi Burnouf envoya-t-il son Commentaire sur le Yaçna (1833) au juriste parsi M. Cursetjee qui, de formation britannique, était membre de la Bombay Branch of the Royal Asiatic Society alors présidée par le pasteur écossais John Wilson (1804- 1875). Cursetjee répondit au savant parisien avec zèle et lui fit expédier, d’une part, en février 1836, son édition lithographiée du Vendidad Sadé (BnF – sanscrit 1046), qu’il fit à Bombay en 1832, et, d’autre part, des traductions en langues indiennes de certains passages de l’Avesta, soit en sanskrit, soit en gujarātī, qu’il s’était procurées ou qu’il avait recopiées de sa propre main. De 1838 à 1841, Burnouf reçut ainsi nombre de « fragments » extraits des Yašt et du Khorda Avesta (Nīrang, Āfrīnagān et Niyāyišn) qu’il regroupa en trois volumes (BnF – Blochet 1900, ms Burnouf 2, p. 57 ; ms Burnouf 5, p. 32-34 ; ms Burnouf 7, p. 12-14). En 1841, Cursetjee lui procura également le Mīnōkhired (BnF – Blochet 1900, p. 73) en pehlvi accompagné de sa traduction sanskrite. De passage en Grande-Bretagne en 1842, Cursetjee profita de cette occasion pour aller à Paris et ainsi rendre visite à Eugène Burnouf qui l’accueillit avec enthousiasme et reconnaissance.

 

 

Publié en juillet 2024