Porcelaines, jades, laques, émaux, livres chinois deviennent des objets de collection dès le XIVe siècle en France. Les œuvres chinoises d’abord perçues comme des objets de curiosité, sont réunies par les collectionneurs puis étudiées par les sinologues, avant d’entrer dans les musées français.
Les premiers objets d’art
Les premiers objets d’art parviennent en Europe à l’époque médiévale. L’inventaire de Louis, duc d’Anjou, daté de 1360 mentionne une « écuelle d’une pierre appelée pourcelaine » ; sans doute la première porcelaine chinoise à gagner le sol français. À cette époque, ces objets circulaient sous la forme de cadeaux diplomatiques échangés entre les cours européennes. On leur prêtait volontiers des vertus extraordinaires, comme le pouvoir de révéler le poison, en raison de leur rareté et de l’aspect précieux de leurs matières.
L’intensification des échanges
Entre le XVIe siècle et le XVIIIe siècle, la progressive intensification du commerce longue distance permet l’acheminement d’un nombre croissant d’objets en provenance de l’Asie. Après avoir découvert la route de l’Asie en passant par le cap de Bonne espérance, les Portugais ouvrent le tout premier port commercial à Macao en 1557, permettant le commerce direct avec la Chine. Ils sont supplantés, parfois violemment, par les Compagnies des Indes Orientales fondées au début du XVIIe siècle, en Angleterre (1600), et en Hollande (1602) où est créée la fameuse VOC (acronyme pour Vereenigde Oost-Indische Compagnie, « Compagnie Unie des Indes Orientales »), puis en France (1664).
Le XVIIe siècle et la folie de l’or blanc
Au XVIIe siècle les souverains d’Europe rassemblent d’importants ensembles de porcelaines chinoises, principalement des bleu et blanc, recouvrant des murs aux plafonds ce que l’on a appelé les cabinets de porcelaines. Louis XIV (1638-1715) céda également à cette mode mais n’y accorda pas d’intérêt particulier, à en juger par le peu de pièces exposées dans ses résidences.
A côté des collections de porcelaines, on observe également les premières mentions d’objets en jade et en laque. Le cardinal Mazarin a collectionné pas moins de deux cent laques japonais et chinois et quelques jades.
XVIIIe siècle : diversification et diffusion des collections
Au XVIIIe siècle, les porcelaines et autres biens venus de Chine deviennent plus abordables et se diffusent dans les différentes couches de la société. Jean de Jullienne (1686-1766), de Randon de Boisset (1708-1776), du duc d’Aumont (1709-1782), d’Angran de Fonspertuis (1719-1784), de Mme de Pompadour (1721-1764), constituent parmi les plus importantes collections de porcelaines chinoises en France. Malheureusement, elles furent toutes dispersées dans des ventes à la mort de leurs propriétaires, et ne sont la plupart du temps connues que par les descriptions qu’en font les inventaires après décès ou les catalogues de vente.
Les jésuites français présents en Chine jouent un rôle non négligeable dans la constitution de collections de livres et d’albums peints. L’abbé Jean Paul Bignon (1662-1743), bibliothécaire du roi, reçut les caisses de livres envoyées par les jésuites, puis c’est surtout Henri Léonard Bertin (1720-1792), homme d’état, véritable passionné de la Chine qui mettra à profit ses relations avec des jésuites tels que Joseph-Marie Amiot (1718-1793) pour faire l’acquisition de superbes albums peints chinois.
Après la Révolution Française (1789), les collections royales sont transférées dans les musées. Les œuvres chinoises et japonaises ont principalement pris place au Louvre dans le Musée Dauphin (fondé le 27 décembre 1827), futur Musée de la Marine.
Le développement du marché de l’art chinois au XIXe siècle
Au XIXe siècle, l’ouverture forcée de la Chine à la suite des deux Guerres de l’Opium (1839-1842 et 1856-1860), permet aux marchands de s’approvisionner directement en Chine. Les ports de Shanghai et Ningpo, deviennent rapidement célèbres pour leurs boutiques d’antiques et de « bibelots » en tout genre.
À Paris s’ouvrent quantités de boutiques d’objets chinois : Mme Desoye, La Porte Chinoise, Mme Langweil, Philippe Sichel (1839 ?-1899) etc. sont les plus fréquentées des connaisseurs.
La découverte de collections impériales chinoises : le choc du Palais d’été
En 1861, le public français découvre au pavillon de Marsan du Palais des Tuileries le fleuron des collections impériales pillées et ramenées en butin par les troupes françaises après le Sac du Palais d’été (1860). Les plus belles pièces sont offertes à l’impératrice Eugénie (1826-1920) qui les fait installer dans son Musée chinois à Fontainebleau. Le reste est dispersé aux enchères au cours de nombreuses ventes réalisées à l’hôtel Drouot entre 1862 et 1869. C’est à cette occasion que la bibliothèque nationale de France acquiert l’album des quarante vues du Yuanming yuan (圓明園).
Un désir de connaissance et d’expertise
À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, la facilitation des voyages favorise l’accès aux sources chinoises et permet le développement d’une approche scientifique des objets comme de la culture chinoise. Des collectionneurs tels que Albert Jacquemart (1808-1875), Octave du Sartel (1823-1894), Ernest Grandidier (1833-1912) ont ainsi, dans leurs nombreuses publications, décrypté les décors et les inscriptions, et tenté d’établir un historique des porcelaines chinoises.
Au début du XXe siècle, ce sont désormais de véritables sinologues qui vont mener des investigations en Chine, et ramener des œuvres encore peu présentes dans les collections françaises : les estampages de Édouard Chavannes (1865-1918) ou bien les manuscrits et peintures ramenés de Dunhuang par Paul Pelliot (1878-1945). Leurs travaux contribuent grandement à réorienter les acquisitions vers des pièces issues de fouilles archéologiques.
La Chine dans les musées français
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les collections privées entrent dans les musées. Émile Guimet (1836-1918) fonde à Lyon en 1879, un musée des religions d’Asie, dans lequel il rassemble des collections issues de ses nombreux voyages. Le musée est finalement déplacé à Paris dix ans plus tard et inauguré en grande pompe par le président de la République Sadi Carnot (1837-1894).
En 1880 le Palais du Trocadéro reçoit les collections ethnographiques du Ministère de l’Instruction publique, issues des missions scientifiques faites en Chine et de part le monde par des militaires, des voyageurs, des diplomates et autres administrateurs. Le musée de Henri Cernuschi (1821-1896) dédié aux arts de la Chine et du Japon, ouvre au public en 1898 dans son hôtel particulier avenue Velasquez. Le Louvre s’enrichit d’une précieuse collection de céramiques chinoises, donnée en 1894 par Ernest Grandidier, puis accueille au début du XXe siècle, les collections de Édouard Chavanne, Paul Pelliot, Moïse de Camondo (1860-1937) et David David-Weill (1871-1852), grâce au zèle du conservateur du département des objets d’art Gaston Migeon (1864-1930). En 1932, un département des arts d’Extrême-Orient est finalement créé au Louvre, mais il sera de courte durée, car en 1945, la totalité des collections extrême-orientales est attribuée au Musée Guimet.