Architecture

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Le terme jianzhu 建築qui traduit notre mot architecture est une expression moderne forgée à la fin du XIXe s. par les Japonais et reprise ensuite en chinois.

Statut de l’architecture dans la Chine ancienne

Dans la Chine ancienne, l’art de construire et d’aménager les édifices n’était pas considéré comme une discipline académique. Les savoir-faire et les usages professionnels qu’il impliquait étaient plutôt du ressort de plusieurs corps d’artisans spécialisés, notamment les maîtres charpentiers, organisés en guildes. 

Par ailleurs, tout aménagement spatial, à commencer par l’installation des tombes et des résidences des vivants devait en principe tenir compte des prescriptions du fengshui (littéralement « vent et eau »). Cet ensemble de croyances et de pratiques fondé sur une conception holistique de l’univers dérivée de la cosmologie, constituait la géomancie chinoise. Ses maîtres étaient réputés capables de déterminer les conditions favorables pour toute installation humaine, en fonction des qualités du site et de l’horoscope de ses utilisateurs. Ils observaient pour cela le régime des vents et l’écoulement des eaux, et effectuaient de savants calculs à l’aide de la boussole luopan 羅盤.

Cependant des fonctionnaires lettrés au service de l’administration impériale étaient chargés d’organiser et de superviser les travaux exécutés pour la Cour ou patronnés par les empereurs, en respectant les normes rituelles fixées dès l’antiquité et prônées par le confucianisme : aménagement et entretien des résidences impériales, des principaux lieux de culte (autels impériaux, grandes fondations bouddhiques, taoïstes ou confucéennes), sièges administratifs yamen 衙門, ponts et fortifications (notamment la Grande Muraille).

Toutes ces façons de concevoir, d’organiser et de réglementer la production architecturale avaient pour objet un système technique spécifique, commun à la civilisation chinoise, qui s’est développé au fil des siècles et diffusé dans l’ensemble du monde sinisé, notamment en Corée, au Japon et au Vietnam.

Un système technique à part

Ce système consiste à construire des charpentes en bois posées sur des terrasses de terre damée et portées par des poteaux formant un réseau en grille. La préfabrication de tous leurs éléments, ainsi que leur standardisation selon un système modulaire de formes et de mesures en permettent le montage rapide. L’ossature en bois ainsi obtenue, si elle demeure constamment menacée par l’incendie, présente l’avantage d’une forte résilience aux séismes. Elle a pour base la cellule jian 間 formée par l’espace compris entre quatre poteaux, qui sert à calculer les surfaces et à dénombrer les entrecolonnements de la façade. L’organisation de ces cellules détermine le plan en grille des édifices et leur aménagement intérieur. Les ouvertures entre les poteaux peuvent en effet être laissées vides ou obturées par des cloisons non porteuses, ou encore garnie de portes ou fenêtres.

Cette structure porteuse permet également de développer des toitures aux formes multiples dont le profil peut s’incurver en fonction de l’écartement savamment calculé des pièces de charpente qui les soutiennent. Elles sont couvertes de tuiles vernissées (c’est-à-dire en terre cuite recouverte d’un glaçure brillante) dont le poids contribue à garantir la stabilité des édifices et leur résistance aux intempéries.

Ce système de construction a aussi des conséquences directes sur la disposition des édifices au sein des complexes architecturaux, et dans leur utilisation qui doit, elle aussi, se conformer aux prescriptions rituelles : plans en grille, disposition des bâtiments à l’intérieur d’un enclos et autour de cours successives, succession des bâtiments principaux le long d’un axe central, orientation qui privilégie l’entrée par le sud. La hiérarchisation et la spécialisation des espaces ainsi définis, caractérisés par des formes et une ornementation (couleurs, traitement des ouvertures, acrotères) plus ou moins réglementées et respectées selon les périodes et les lieux, permettent de créer de puissants effets esthétiques.

Dès les premiers contacts, les  Occidentaux  manifestèrent un grand intérêt pour ces réalisations chinoises radicalement éloignées des canons de l’architecture classique. Les temples et pagodes bouddhiques (notamment la fameuse Pagode de porcelaine du Bao’en si, grand temple impérial à Nankin), l’ampleur et la richesse des toits dorés de la Cité interdite de Pékin ou encore l’art des jardins dans les résidences impériales suscitaient l’étonnement et l’admiration, parfois l’incompréhension. En dehors des images véhiculées par  les porcelaines, paravents laqués, tissus peints ou brodés exportés jusqu’en Occident, il fallait en effet s’en remettre aux témoignages plus ou moins exacts ou bien informés des rares voyageurs qui avaient eu accès à cette architecture insolite.

On assiste au XVIIIe s. à une multiplication des textes et des images réalisés dans un but documentaire et destinés à satisfaire la curiosité du public occidental pour l’architecture chinoise. Les missionnaires jésuites établis à la cour de Pékin jouèrent un rôle important d’informateurs.

L’Essai sur l'architecture chinoise fait partie de la riche documentation qu’ils élaborèrent pour Henri Bertin (1720-1792) et qui devait ensuite servir de base à plusieurs publications, par exemple les Essais sur l'architecture des Chinois de Louis-François Delatour (1727-1807). Par ailleurs, tous ces documents contribuèrent à nourrir l’imaginaire européen et les productions de la chinoiserie. Dessins et peintures, estampes, photographies souvent réunis et diffusés sous forme d’albums destinés à être rapportés par les voyageurs et collectionnés, servirent souvent de modèles d’inspiration pour des réalisations en Occident.

C’est essentiellement l’architecture officielle (palais, grands temples) qui demeura longtemps la mieux connue. La plupart des édifices anciens conservés datent des deux dernières dynasties, Ming (1368-1644), et Qing (1644-191). L’étude scientifique de l’architecture vernaculaire ne commença de se développer qu’au XXe s., en réaction aux multiples destructions causées par les soubresauts politiques et les transformations radicales qu’a connues le pays au fil du dernier siècle écoulé et qui n’ont fait que s’accélérer ces dernières décennies.

Essai sur l’architecture chinoise

Ni signé, ni daté, l’Essai sur l’Architecture chinoise fut envoyé en France par les missionnaires jésuites français attachés à la Cour de Pékin.

Li Weiwen, doctorant en archéologie de l’Extrême-Orient à l’Université Paris IV

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