L'Égyptienne. 1925-1940

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Fondée en 1925 par Hoda Sharawi (1879-1947), figure emblématique du féminisme égyptien, L'Égyptienne est la première revue féministe en langue française du pays.

Ce mensuel, qui paraît pendant quinze ans, soit jusqu'en 1940, trouve un lectorat fidèle dès son lancement grâce à un contenu éditorial fondé sur trois piliers indiqués dans le sous-titre : « Féminisme, sociologie, art ». Chacun de ces trois termes revêt une importance particulière pour définir l'identité de la femme nouvelle que la revue incarne et à laquelle elle s'adresse.

Féministe, L'Égyptienne l'est assurément : première revue du pays à brandir ainsi l'étendard de ces aspirations politiques et sociales, L'Égyptienne s'inscrit dans un combat féministe initié dès 1919, qui marque un tournant majeur dans les revendications nationalistes en Égypte. Marche de femmes, création du comité central des femmes du Wafd, organisation d'une grève devant le Parlement, précèdent la rédaction d'une liste de « revendications politiques, sociales et féminines », qui, reproduite dans le premier numéro de L'Égyptienne, a valeur de manifeste. C'est ainsi que la revue constitue l'organe de « l'Union Féministe Égyptienne », fondée en 1923, dont elle publie régulièrement les discours prononcés par Hoda Sharawi ou Céza Nabarawi lors de rassemblements en Égypte ou à l'étranger pour défendre la cause des femmes.

En 1925, la sociologie est une discipline nouvelle et L'Égyptienne est ainsi la première revue à mettre en évidence, sur sa page de couverture, des problématiques contemporaines pensées avec des disciplines nouvelles. L'« art » constitue le troisième pilier de cette pensée qui parvient à faire coexister tradition et modernité. L'Égyptienne est en grande partie composée d'articles de critique d'art : la vie culturelle locale et étrangère fait l'objet de comptes rendus détaillés ; de nombreuses études sont destinées à promouvoir les femmes artistes. La revue publie poèmes, proses poétiques, nouvelles, contes qui appartiennent à la tradition littéraire comme à la production contemporaine, d'hommes et de femmes auteurs. On y découvre des textes d'écrivains locaux, de toute confession religieuse, de voyageurs et de voyageuses en Égypte : le contenu du périodique esquisse une cartographie des écrivains français ou francophones en lien avec l'Orient.

L'Égyptienne paraît en langue française car c'est un féminisme international que défendent ses membres, dans un pays où le français jouit alors d'un véritable capital de distinction : « En fondant cette revue dans une langue qui n'est pas la nôtre, mais qui en Égypte comme ailleurs est parlée par toute l'élite, notre but est double : faire connaître à l'étranger la Femme Égyptienne, telle qu'elle est de nos jours – quitte à lui enlever tout le mystère et le charme que sa réclusion passée lui prêtait aux yeux des Occidentaux – et éclairer l'opinion publique européenne sur le véritable état politique et social de l'Égypte » (no 1). La langue française est clairement identifiée comme un moyen de s'adresser à une élite éclairée et de diffuser des idées au delà des frontières, dans le but de rompre avec la représentation indolente de la femme orientale, véhiculée par une certaine littérature orientaliste.

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