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La présence de manuscrits orientaux à la Bibliothèque nationale, héritière de la Bibliothèque royale, loin d’être un fait du hasard, reflète la détermination de nos prédécesseurs à connaître de façon directe d’autres pensées, d’autres littératures, d’autres langues. La genèse des collections de la BnF témoigne ainsi de motivations diverses, politiques, ou commerciales, missionnaires ou scientifiques.

Le concile de Florence, qui prit fin en 1445, demeure aujourd’hui encore une date de référence dans les relations entre l’Occident et le monde arabe. Plusieurs délégations d’Orient offrirent au pape Eugène IV de précieux manuscrits orientaux. Les coptes d’Égypte se montrèrent particulièrement généreux et firent don d’une importante collection de manuscrits arabes, si bien que, lors de sa création en 1475, la bibliothèque vaticane se trouva en possession de l’un des plus riches fonds arabes de l’Europe chrétienne.

Sous l’impulsion de la Renaissance, la « chasse aux manuscrits orientaux » a commencé en Italie plus tôt qu’en France. Les livres étaient considérés à cette époque comme des objets de grande valeur, et les gens aisés se constituèrent de grandes bibliothèques. Au milieu du XVe siècle, le pape Nicolas V envoya des émissaires à la recherche des manuscrits d’œuvres importantes, et cela non seulement en Italie, mais dans les pays lointains tels que la Grande-Bretagne et la Pologne. En ce qui concerne le Levant, et pour des questions surtout religieuses, la Papauté a été beaucoup plus attentive à l’acquisition de l’héritage écrit des chrétientés orientales. Avec la fondation de plusieurs imprimeries orientales à Rome et l’installation de la Congrégation De Propaganda Fide en 1622, la Papauté souhaitait lutter contre les divisions entre églises chrétiennes et affirmer la primauté de l'évêque de Rome.

En France, on sait que six manuscrits arabes figuraient dans la Librairie royale de François Ier à Blois en 1544. Ils témoignent de l’intérêt ancien et passionné porté très tôt à la « langue arabique » et à ses livres.

C’est au début du XVIIe siècle que les bibliothèques et les cabinets des collectionneurs commencent à s’enrichir de manuscrits orientaux, notamment grecs, syriaques, coptes, arabes, persans et turcs, ainsi que de médailles et d’objets antiques provenant d’Orient. Dans les années 1660, l’historien Jacques-Auguste de Thou enrichit la Bibliothèque du Roi de quelques manuscrits orientaux, grâce à Harlay de Sancy, ambassadeur de France à Constantinople. Ensuite, le retard que la France avait pris sur l’Italie est rattrapé par l’action encourageante et systématique de Richelieu, de Mazarin et surtout de Colbert. C’est à ce dernier que revient le mérite d’avoir provoqué et encouragé les premières explorations, véritablement scientifiques en Orient, qui devaient accroître les richesses des collections du Roi et en même temps aussi celles du ministre. Plusieurs missions dites « archéologiques » furent lancées, chargées de collecter scientifiquement manuscrits, médailles et antiques. Les principaux agents furent en premier lieu les consuls des Échelles du Levant, qui engageaient, à leur tour, des missionnaires.

En 1669, la première mission officielle en Orient est celle de MM. de Monceaux et Laisné. Elle est suivie par l’acquisition de manuscrits achetés directement au Levant, les autres venant l’année  précédente (1668) du legs de la Bibliothèque de Mazarin et de l’achat de la collection de Gilbert Gaulmin (1585-1665), laquelle comprenait plus de 300 manuscrits orientaux.

Entre 1671 et 1675, le dominicain allemand Johann-Michael Vansleb (1635-1679), envoyé en Levant par Colbert, permit à la Bibliothèque du roi de s’enrichir de 630 manuscrits orientaux (dont 430 en arabes), achetés à Nicosie, Alep, Le Caire, Smyrne. Dans le même temps, Antoine Galland, dans la suite de l’ambassade du marquis de Nointel, poursuit les acquisitions pendant son séjour à Constantinople (1670-1675).

Les XVIIe-XVIIIe siècles retiennent du manuscrit surtout le texte : on cherchait l’héritage scientifique perdu de l’Antiquité, transmis du grec à l’arabe, ainsi que les textes chrétiens pour nourrir le feu des controverses religieuses. Au XIXe siècle, on s’intéressera davantage à l’aspect esthétique des manuscrits et l’achat de prestigieuses collections comme celles, en 1833, d’Asselin de Cherville (1772-1822) (1500 manuscrits), agent consulaire de France en Égypte, ou, en 1899, de Charles Schefer (1820-1898), fondateur de l’École des langues orientales vivantes, en sont la preuve éclatante.

Paris devint l’une des places les plus importantes des manuscrits et livres orientaux, comme en témoignent les ventes publiques des bibliothèques de J.-T. Rainaud (1867), Caussin de Perceval (1871), Félix de Saulcy (1872), Charles de Labarthe (1872), Garcin de Tassy (1879). De son côté, après avoir incorporé les bibliothèques des couvents —qui apportèrent, pendant la Révolution, environ 350 manuscrits (dont plus de 300 proviennent de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés)—, et des manuscrits rapportés par la campagne d’Égypte, la Bibliothèque nationale entreprit, avec Jules Taschereau et Joseph-Toussaint Reinaud, la publication des catalogues de ses collections de manuscrits orientaux, entreprise qui perdure jusqu'à nos jours avec l'informatisation des catalogues.

La présence de manuscrits orientaux à la Bibliothèque nationale, héritière de la Bibliothèque royale, loin d’être un fait du hasard, reflète la détermination de nos prédécesseurs à connaître de façon directe d’autres pensées, d’autres littératures, d’autres langues. La genèse des collections de la BnF témoigne ainsi de motivations diverses, politiques, ou commerciales, missionnaires ou scientifiques.

Légende de l'image : Catalogue de la collection de manuscrits orientaux, arabes, persans et turcs formée par M. Charles Schefer. 1900

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