Les sites enchanteurs qui bordent le lac de Hangzhou en Chine du Sud ayant tous fait l’objet de compositions élogieuses à l’exception du mont Wu, un groupe d’amis eu l’idée de réunir des poésies et des peintures faisant l’éloge des dix plus belles vues de ce site. Le mont Hu, qui porte aussi le nom de mont Wu, est une colline située au sud-est du lac appelé « Lac de l’Ouest ».
Cet album xylographique en 48 feuillets détachés, est constitué de la table des matières portant le titre Dix vues scéniques du mont Wu, de 33 feuillets de poésies, de douze illustrations polychromes et d’une postface de Chen Changxi [Mengde] de Hulin [= Wulin shan]. Il n’a conservé ni sa page de titre ni sa préface. Les illustrations s’inspirent des œuvres d’un peintre nommé Sun. Sa réalisation pourrait se situer au cours de la dynastie des Ming, dans le premier quart du XVIIe siècle et il aurait vraisemblablement été imprimé à Hangzhou qui était un centre éditorial très actif. L’album semble être l’unique exemplaire préservé d’une édition polychrome très soignée à laquelle collaborèrent une dizaine d’amis qui apposèrent leurs sceaux à l’encre rouge au bas des feuillets de leurs compositions poétiques reproduites dans de beaux styles calligraphiques.
Le recueil fait la part équitable aux trois arts, indissociables aux yeux des lettrés que sont la calligraphie, la peinture et la poésie. La postface confirme la complémentarité voulue entre l’illustration et le texte en soulignant que lorsque les mots se révèlent incapables de transmettre le sens, c’est l’image qui prend le relais et qu’inversement, lorsque l’image n’est plus suffisamment explicite, c’est le texte qui lui vient en aide.
Le recueil s’ouvre par deux planches finement imprimées, aux coloris très frais, présentant la vue générale du site. Près de 30 toponymes, imprimés en caractères minuscules, sont accolés aux différents pavillons, temples et portails d’accès. Les vues suivantes présentent dix étapes de promenade. Les illustrations restituent l’atmosphère particulière des sites naturels qui, à la périphérie des villes, servaient de lieu de rencontre et de délassement aux citadins. Depuis une haute terrasse, on y jouissait d’un panorama exceptionnel sur la rivière. L’endroit était propice aux activités de loisir, conversations entre amis, jeux d’échec et collations légères. On y conduisait aussi des activités religieuses, puisqu’il s’y trouvait des temples, notamment celui consacré à l’esprit protecteur de la ville de Hangzhou, le Chenghuangmiao.
La technique d’impression polychrome par succession d’impressions de planches, dites des “ planches en série ”, atteint, avec cette publication en six couleurs, un sommet de son art. Les planches reproduisent en différentes teintes plusieurs types de traits continus ou en pointillés qui appartiennent à l’art pictural. La dominante en bleu indigo clair, utilisée pour le cadre et les rochers, est réchauffée par des touches restées très vives de rouge orangé, de brun, d’ocre et de noir qui donnent un aspect à la fois vif et doux. La finesse d’exécution est remarquable, la netteté et le soin en font une œuvre d’une qualité exceptionnelle.