À partir de la seconde moitié du XIXe s., parallèlement au développement d’Alexandrie, les plans se multiplient pour répondre à une clientèle variée – organismes d’état, établissements commerciaux, grand public et touristes –, formant avec les plans et cartes antérieurs de voyageurs ou de scientifiques, un corpus particulièrement riche.
Les premières représentations d’Alexandrie sont des vues cavalières – les plus anciennes datant de la deuxième moitié du XVe s. – et des cartes nautiques. À la fin du XVIIe s., apparaissent les premiers plans géométriques de la ville, réalisés par Étienne Gravier d’Ortière et l’ingénieur militaire Razaud.
Premiers plans modernes précis de la ville, les documents réalisés par les savants de l’expédition d’Égypte (1798-1801) marquent une étape décisive dans la cartographie alexandrine, tant par leur niveau de détail que par la précision du report. Malgré ses origines militaires, cette topographie s’intéresse également aux aspects historiques de la ville. Pour Alexandrie, le travail des différents corps d’ingénieurs a conduit à trois cartes essentielles publiées dans les volumes de la Description de l’Égypte.
La comparaison du plan d’Henry Salt (1780-1827) de 1806 et de celui de Charles Müller de 1855 révèle les travaux importants menés par le vice-roi Mohamed Ali, dont le nouveau tracé du canal, appelé alors canal Mahmoudieh, et l’urbanisation au sud de l’isthme avec la démolition de la muraille nord-ouest. Apparaissent alors le quartier européen développé autour de « La Grande Place » – nommée par la suite « Place Mohamed Ali » ou « Place des Consuls » –, ainsi que le réaménagement du quartier de Râs el-Tîn autour du Palais, l’émergence du quartier de Minet el-Bassal avec entrepôts et magasins, et les premiers aménagements du port ouest.
En 1865, Mahmoud Bey el-Falaki (1815-1885) dresse une carte, extraordinaire par sa précision et la quantité des détails relevés et reproduits. La richesse de ce document est accrue par la présence d’une liste de 855 toponymes. En 1866, sont également imprimées une Carte des environs d’Alexandrie et une carte restituant l’Alexandrie antique. L’une des premières reconstitutions de la ville antique est celle publiée en 1731 par P.-N. Bonamy (1694-1770), mais celle de Mahmoud Bey el-Falaki, véritable précurseur sur le sujet, fut à l’origine de nombreuses autres cartes par la suite. Ce type de cartographie repose sur des éléments qui ne sont plus uniquement observés mais également supposés, et unit de manière synthétique résultats archéologiques et hypothèses historiques, comme le montre la restitution des monuments antiques sur le parcellaire moderne, dessinée par Mariano Bartocci (1881-1929) et publiée en 1914 par Evaristo Breccia.
Les guides et les annuaires d’Égypte, en plein essor à partir des années 1860-1870, constituent une autre source cartographique, car un certain nombre sont accompagnés de plans d’Alexandrie. On y retrouve les célèbres guides touristiques Baedeker, Joanne, Murray, Cook, mais aussi des annuaires publiés par J. Millie ou E. François-Levernay.
Le corpus important de plans d’assurance (près de 150 documents réalisés par six auteurs) permet de mettre en évidence qu’Alexandrie a été le lieu d’un véritable marché de ce type de plans, entre 1880 et 1950, intrinsèquement lié au commerce du coton. Ces plans couvrent principalement la zone du quartier de Minet el-Bassal, où se trouvaient les entrepôts de coton (chounahs), avec une localisation stratégique : à la fois de part et d’autre du canal Mahmoudieh pour l’acheminement du coton cultivé depuis toute l’Égypte, et en bordure du port ouest pour son exportation. Les éléments reportés sur ces plans sont particulièrement riches. La codification et le système de mise à jour sont propres à ce type de plan, afin d’estimer au mieux les risques face aux incendies. L’interindexation des documents de différents auteurs révèlent la forte concurrence qui régnait dans ce domaine à Alexandrie. Les auteurs, comme C. Marchettini, résidaient en Égypte, à l’exception de Charles Edward Goad (1848-1910), qui a développé ses activités sur la réalisation des plans d’assurance, notamment en Grande Bretagne et au Canada. Ce dernier réalisa aussi, à la même période, des plans d’assurance du Caire, ainsi que de villes de Turquie (Istanbul, Izmir).
Après un plan d’Alexandrie bilingue arabe/français dressé en 1887 par le Tanzim (service de la voirie urbaine), d’autres administrations produisirent des plans dans la première partie du XXe s. : signalons les nombreux plans, à diverses échelles, du Survey of Egypt ou celui de la Municipalité d’Alexandrie de 1902. L’ingénieur en chef de la Municipalité William H. MacLean proposa en 1919 un schéma d’urbanisation, publié en 1921. Parallèlement à ces institutions, des éditeurs privés commercialisèrent des plans de la ville comme Alexandre Nicohosoff, dont les deux plans des années 1930, d’Alexandrie et de Ramleh (alors faubourg de villégiature à l’est d’Alexandrie), témoignent de l’urbanisation galopante de la ville.
Légende de l'image : Itinéraire de l'Orient. Egypte, Alexandrie. L. Thuillier, 1888