À l’aube du 29 mai 1453, après un siège spectaculaire de deux mois, les troupes du sultan Mehmed II entraient dans Constantinople, mettant fin à l’empire millénaire de Byzance. Un monde basculait, Constantinople devenant la nouvelle capitale de l’Empire ottoman.
Très rapidement, les récits de voyage sur la nouvelle capitale vont se multiplier et connaître, quand ils sont imprimés, de grands succès de librairie. En France, on a dénombré, entre 1480 et 1609, deux fois plus d’impressions de livres sur les pays de l’Empire turc, sur les guerres contre les Turcs ou sur les « mœurs et manières des Turcs », que sur les deux Amériques, monde récemment découvert. Le monde ottoman qu’ils décrivent se réduit bien souvent à sa capitale et à son organisation politique, rarement sous sa qualité d’Empire.
Au XVIe siècle, les voyageurs français qui vont le plus marquer les esprits sont Pierre Belon, Jean Chesneau, Jacques Gassot, Pierre Gilles (Gilly), André Thévet et Nicolas de Nicolay. L’ouvrage de ce dernier paraît en 1568, accompagné de gravures représentant les costumes des différentes nations de l’Empire et ceux des principaux agents de l’État. Tous ces auteurs ont pour point commun d’avoir été liés à l’ambassade à Constantinople de Gabriel d’Aramon (1546-1553), ambassade brillante à travers laquelle l’apogée du rapprochement entre François Ier et Soliman le Magnifique s’accompagne d’une remarquable dimension culturelle.
Des informateurs germaniques sont également présents comme Hans Dernschwam, Ogier Ghislain de Busbecq, ambassadeur de Ferdinand de Habsbourg. Certains d’entre eux se font accompagner d’artistes, dont les plus célèbres sont Peter Coeck van Aalst et Melchior Lorichs qui, pour la première fois, présentent les monuments de la ville, ainsi que les Mœurs et coutumes des Orientaux.
Parmi les témoignages importants du XVIIe siècle, citons ceux de Pietro della Valle, Michel Baudier, Guillaume-Joseph Grelot, du sieur Du Loir, et surtout de Jean-Baptiste Tavernier, Jean Thévenot, et le botaniste du roi Joseph Pitton de Tournefort.
Certains récits, témoignages vivants de la vie à Constantinople, sont restés à l’état de manuscrit, comme la correspondance de Jacques de Germigny, baron de Germolles, ambassadeur de France de 1577 à 1584 ; celui du Père Robert de Dreux, capucin, aumônier de l’ambassadeur De la Haye-Vantelet composé dans les années 1660 ; de François Pétis Delacroix, secrétaire de l’ambassade à Constantinople de 1674 à 1679 ou bien le journal d’Antoine Galland.
Le siècle des Lumières connaîtra à son tour nombre de voyageurs perspicaces et pénétrants, parmi lesquels ont peut citer, sans être en rien exhaustif, Aubry de la Mottraye, le chevalier d’Arvieux, Jean-Claude Flachat, François Pouqueville, Guillaume-Antoine Olivier, Antoine-Laurent Castellan, le comte Antoine-François Andréossy, Antoine de Juchereau de Saint-Denys.
La fin du XVIIIe siècle est marqué par la réalisation de magnifiques ouvrages de gravures que sont Le Voyage pittoresque dans l’Empire ottoman du comte de Choiseul-Gouffier, Le Voyage pittoresque de Constantinople et des rives du Bosphore d’Antoine-Ignace Melling et l’Atlas des promenades pittoresques dans Constantinople de Charles Pertusier.
Aux militaires, diplomates et commerçants, viennent bientôt s’ajouter au XIXe siècle les nombreux écrivains (Nerval, Flaubert, Gautier, de Amicis, Edmond About, Pierre Loti, Anna de Noailles, Pierre Benoît), les peintres (Jean-Baptiste Hilair, Louis-François Cassas, Amadeo Preziosi, Jean Brindesesi), les photographes (Joseph-Philibert Girault de Prangey, les frères Abdullah, Pascal Sebah, Iranian, Henri Duval), les explorateurs, archéologues, les reporters et les premiers touristes car Byzance, Constantinople ou Istanbul continuent de susciter intérêt, admiration, voire convoitises. En 1923, Constantinople/Istanbul cessera d’être la capitale d’un empire, au profit d’Ankara, capitale de la nouvelle Turquie.