Édito

Ce site présente une sélection de documents relatifs à la constance et à la diversité des relations franco-polonaises au cours des siècles, une amitié marquée par des intérêts  communs et, malgré l’éloignement géographique, une fascination tout aussi réciproque.

Les premiers contacts franco-polonais remontent au bas Moyen Age. Moines, voyageurs et marchands se rendent en Pologne. La France de cette époque est également une destination privilégiée pour les pèlerins polonais.
L’élection d’Henri de Valois au trône de Pologne au XVIe siècle marque un tournant dans les relations entre les deux pays, relations qui vont aller en s’intensifiant. Même si son règne  fut éphémère, c’est  à partir de cette époque que les deux pays nouent des liens forts. Plusieurs mariages royaux vont contribuer à entretenir cette alliance. Louise-Marie de Gonzague de Nevers épouse le roi Ladislas IV, et, après la mort de celui-ci, le roi Jean II Casimir, et Marie-Casimire d’Arquien devient l’épouse bien-aimée du roi Jean III Sobieski.
Les Français de l’entourage des souverains français, notamment Louise Marie de Gonzague, se sont rapidement adaptés aux moeurs  polonaises. En France, Louis XV épouse Marie Leszczynska, et offre à son beau-père Stanislas Leszczynski, privé du trône de Pologne, les  duchés de Lorraine et de Bar. Ce dernier arrive accompagné de nombreux courtisans et d’hommes de confiance parmi lesquels certains, comme François Maximilien Ossolinski, se voient  confier des charges importantes dans l’administration des duchés.
L’Académie Stanislas compte parmi ses étudiants 160 Polonais dont certains  s’installent dans cette nouvelle patrie et cherchent à faire carrière au sein de l’armée française comme Wojciech Jakubowski, qui devient  maréchal. Ceux qui regagnent la Pologne s’engagent avec ardeur  dans la réforme de leur pays.

Au XVIIIe siècle la France et sa culture jouissent dans toute l’Europe d’un prestige inégalé, plus particulièrement en Europe  Centrale. La Pologne fait partie des pays où la fascination pour la culture française est la plus forte. Les grands seigneurs polonais s’identifient avec la culture française, voyager en France était non seulement bien vu mais presqu’incontournable. Les récits de ces pérégrinations témoignent de leur fascination sans bornes et de leur émerveillement.
Leurs séjours (ils résident surtout à Paris), durent de quelques semaines à plusieurs années. Peu nombreux sont  ceux qui, comme Piotr Maleszewski, Józef Miączyński, Jan Chrzciciel Łazowski, Jan Kwiryn Mieszkowski, Dawid Sylwester Mirys,  et Aleksander Kucharski, s’installent en France.
Un nombre considérable des partisans de la confédération de Bar (1768 à 1772), considérée comme la première tentative d’insurrection de la noblesse polonaise contre l’ingérence de la Russie dans les affaires polonaises, doit quitter la Pologne dans le sillage de son échec ; certains se réfugient en France. Pendant la Révolution Française, on trouve des Polonais dans tous les partis politiques ; certains d’entre eux sont  guillotinés.

Avec la disparition de la Pologne consécutive aux trois partages de la fin du XVIIIe siècle, de nombreux Polonais partent pour la France ;  celle-ci devient le centre de l’émigration polonaise. La France révolutionnaire bénéficie du soutien des Polonais qui voient dans la Révolution française un moyen de restaurer la souveraineté de la Pologne. Ils luttent pour « notre liberté et la vôtre » espérant toujours revenir au sein de leur patrie pour la faire renaître. Les Polonais vouent un véritable culte à Napoléon Ier et espèrent qu’il les aidera à libérer la Pologne. Ainsi le nombre des officiers et des soldats polonais engagés dans la Grande Armée atteint 100 000 hommes!  Après la chute de Napoléon, la plupart d’entre eux quittent la France pour rentrer chez eux.

Au début du XIXe siècle, les Polonais s’installent sporadiquement en France. Parmi ceux qui y restent par obligation, on trouve Léonard Chodzko, historien et géographe, fervent défenseur de la cause polonaise, ou Joseph Maria Hoëne-Wronski, philosophe et mathématicien.
Après l’échec des soulèvements successifs de 1830 et 1863 contre la Russie, « la Grande Emigration » polonaise arrive en France dès 1831. Appelée ainsi pas tant en raison de son nombre que de son rôle dans la vie politique polonaise et de son influence aussi bien sur les Polonais que les Français. Elle compte dans ses rangs des écrivains, des artistes et des scientifiques, issus pour la plupart de la noblesse. On estime à environ 30 000 le nombre de Polonais qui émigrent en France entre 1831 et 1870 avec pour rêve et projet de retrouver un jour leur patrie perdue enfin libérée. Le peuple français  accueille ces exilés avec un grand enthousiasme et  une grande  sympathie.
Parmi les quelques centaines des Polonais (entre 400-500) ayant pris part à la Commune de Paris se distinguent les généraux Jarosław Dabrowski et Walery Antoni Wroblewski ainsi que Florian Trawinski, conservateur au Louvre, à qui l’on doit le sauvetage des collections lors de l’incendie provoqué par les communards. Un changement d’attitude s’opère en 1871 : la participation supposée  massive des Polonais à la Commune de Paris étant mal perçue. C’est aussi le début du rapprochement entre la France et la Russie qui relègue au second plan la question polonaise.

A la fin du XIXe siècle, une nouvelle vague d’immigration polonaise composée d’artistes, d’étudiants et d’intellectuels arrive en France. Aux côtés de sa plus illustre représentante Marie Skłodowska devenue Marie Curie, on trouve entre autres le financier et inventeur Jan Jozef Baranowski, l’homme politique Zygmunt Krzyzanowski dit Sigismond Lacroix, le cofondateur du journal « Le Temps » Charles Edmond (Edmund Chojecki), l’ingénieur agronome et explorateur qui contribua au développement de l’agriculture coloniale Jan Dybowski, et enfin l’agronome et inventeur d’une nouvelle charrue pour le travail des vignes Pierre Skawinski.
De cette époque date la première vague d’émigration économique, estimée entre 25 000 et 30 000 personnes dans le Nord de la France et dans les environs de Nancy et de Dijon. Pendant la Grande Guerre, la France n’autorise pas la formation d’unités polonaises autonomes. Les Polonais incorporés dans la Légion Etrangère et dans l’armée française combattent sous l’uniforme de leur nouvelle patrie. Cependant, le président Poincaré autorise la création de l’armée polonaise en France dite l’Armée bleue. Au cours de la guerre polono-bolchévique de 1920 la Mission Française auprès de l’Armée Polonaise, dont a fait partie Charles de Gaulle,  joue un rôle important avec à sa tête le général Weygand.

La convention franco-polonaise signée le 3 novembre 1919 ouvre les portes à l’immigration économique de masse dans les régions Nord-Pas-de-Calais, Alsace et Ile de France. Les autorités françaises se sont engagées à une égalité des traitements et des prestations sociales entre  travailleurs polonais et français. Néanmoins, l’administration française assure la gestion administrative de ces immigrés. Evaluée à 500 000 personnes, la communauté polonaise constitue à la veille de la Seconde guerre mondiale la deuxième population étrangère en France après les Italiens. Parmi les étrangers travaillant dans les mines françaises, 58% étaient polonais. Les scientifiques polonais venus à cette époque intègrent les institutions de recherche françaises. En 1937, est créé le Centre d’études polonaises auprès de la Bibliothèque Polonaise à Paris. A cette époque, les liens entre les deux pays sont emprunts de réciprocité. Après l’éclatement de la Seconde guerre mondiale, conformément aux accords signés au préalable avec la Pologne, le 3 septembre 1939 la France déclare la guerre à l’Allemagne, néanmoins les Français ne veulent pas « mourir pour Dantzig » et l’espoir des Polonais de recevoir une aide des alliés s’avère vain.
Après la capitulation de Varsovie, une nouvelle vague de réfugiés polonais se tourne vers la France. Le nouveau président et le gouvernement en exil polonais s’installent à Angers avant leur départ pour Londres. La défaite de la France est aussi la défaite des rêves des Polonais fondés sur le mythe d’une France invincible.

De nombreux polonais participent à la Résistance française, ce dont témoigne leur presse clandestine publiée en France. L’armée polonaise de l’Ouest combat contre l’Allemagne nazie pour libérer la France. Après 1945 la France devient une seconde patrie pour de nombreux  anciens combattants polonais qui refusent le régime communiste de la Pologne Populaire. De nouvelles institutions polonaises de recherche et de culture voient alors le jour tel  l’Institut Littéraire de Maisons-Laffite qui sous l’égide de Jerzy Giedroyc  jouera  un rôle considérable dans l’histoire de la Pologne mais aussi de la France dans la deuxième moitié du XXe siècle. Le gouvernement français noue des relations diplomatiques et économiques avec la Pologne communiste ;  les présidents Charles de Gaulle et Valéry Giscard d’Estaing se rendent en Pologne. Dans les années 80 le mouvement d’opposition au régime communiste en Pologne Solidarité rencontre un soutien actif de la France qui accueille généreusement de nombreux réfugiés politiques polonais.

La communauté polonaise laisse une empreinte durable dans l’histoire de la France. Des institutions, dont l’histoire remonte au XIXe siècle, comme la Bibliothèque Polonaise et l’Institut Saint-Casimir, sont des monuments légués par leurs fondateurs. La chute du communisme, les changements politiques et économiques intervenus en Pologne après 1989 et enfin l’entrée de la Pologne dans l’Union Européenne en 2004 ont contribué au renforcement des liens entre les deux états mais aussi entre les deux peuples. De nos jours, des Français de plus en plus nombreux découvrent la Pologne, l’hospitalité de ses habitants, son patrimoine culturel et naturel mais aussi les nombreuses opportunités pour le monde des affaires et pour les entreprises françaises.

 

Légende de l'image : L'Auguste Cérémonie du mariage de Louis XV, Roi de France et de Navarre avec Marie Leczinski, princesse de Pologne faite par Mgr le Cardinal de Rohan Prince du S.t Empire, Archevêque de Strasbourg. Septembre 1725

 
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