Au XVIIe siècle, une nouvelle écriture fondée sur l'alphabet latin est élaborée par des missionnaires européens pour servir les besoins d'évangélisation et de fonctionnement de la communauté. La colonisation française dont on peut dater le début en 1858, a ensuite permis un usage plus large de cette écriture en Cochinchine au sud, puis au Tonkin au nord et en Annam au centre.
C'est dans le sud qu'on commença à écrire en quốc ngữ des récits comme ceux des érudits catholiques Trương Vĩnh Ký et Huỳnh Tịnh Của, mais aussi les premiers romans à l'occidentale dont Truyện thầy Lazaro Phiền, ou Hà Hương phong nguyệt, roman qui a été accusé d'atteinte aux bonnes mœurs.
Cependant, l'écriture romanisée, quốc ngữ (langue nationale) n'est vraiment largement diffusée dans la population que grâce à sa promotion par les lettrés modernistes qui ont appelé, au début du XXe siècle, à l'apprendre. Facile à lire et à écrire, le quốc ngữ permettrait, dans l'esprit moderniste, de diffuser largement des nouvelles idées et connaissances dans la population. En 1917, le Règlement général de l'Instruction publique a instauré le système d'enseignement franco-indigène qui formera les auteurs écrivant en quốc ngữ, mais aussi les lecteurs des récits et romans racontant les histoires qui les captivent.
La langue vietnamienne devient l'étendard du "pays" (nước). Pour des lettrés lisant le chinois et des nouveaux diplômés lisant le français, la langue et la littérature sont les derniers remparts pour éviter la disparition de la culture et du peuple vietnamiens. La célèbre phrase de Phạm Quỳnh, rédacteur en chef de l'influente revue Nam Phong (Vent du Sud), résume cet état d'esprit : "si notre langue existe, notre pays existera". Kiều, le roman éponyme et en vers de Nguyễn Du (1766-1820) est promu au rang du chef-d’œuvre et diffusé largement dans un grand nombre de versions transcrites en quốc ngữ.
Malgré des désaccords dont témoigne par exemple le débat quốc học (études nationales) en 1930, un certain accord s'est instauré parmi les intellectuels qui appellent à prendre à bras le corps le problème, en écrivant en vietnamien. Aux alentours de 1932, avec les victoires de Thơ Mới (Nouvelle Poésie) et du groupe littéraire Tự Lực văn đoàn (Par ses propres forces), le quốc ngữ est désormais considéré comme une langue de littérature et de culture.
La littérature vietnamienne écrite en quốc ngữ connaît alors un développement sans précédent. Un grand nombre de publications a suivi celle de Tố Tâm, roman éponyme publié en 1925 et considérée comme la première œuvre romanesque moderne, titre justifié notamment en raison de son impact sur la société de son temps. De Tố Tâm de Hoàng Ngọc Phách à Đoạn Tuyện (Rupture, 1935) de Nhất Linh, deux romans ayant marqué leur temps, le lecteur voit l'individu affirmer son indépendance par rapport à la famille, la femme prendre confiance et revendiquer sa place dans la société.
Les histoires littéraires sont unanimes pour saluer la vitalité et la richesse de cette littérature en quốc ngữ. Vũ Ngọc Phan fait paraître, dès 1942-1944, son ouvrage monumental en quatre volumes Nhà văn hiện đại (Ecrivains modernes). Hoài Thanh et Hoài Chân réalisent un travail similaire dans Thi nhân Việt Nam (Les poètes du Vietnam) paru en 1942.
Les innovations littéraires sont nombreuses. Dans Giấc mộng con (Le Petit rêve, 1917) de Tản Đà Nguyễn Khắc Hiếu, le héros se voit en rêve voyager autour du monde, découvrir des pays occidentaux, mais aussi un pays qu'il nomme "Nouveau Monde", isolé dans les glaces au nord, dans lequel les habitants vivent en harmonie avec la nature et gèrent leurs affaires d'une manière (presque) égalitaire. Au retour, il veut être "philosophe" et écrire des livres pour éclairer son peuple, sur le modèle de philosophes occidentaux tel J. J. Rousseau.
Dans Quả dưa đỏ (La Pastèque, 1925), premier roman d'aventure inspiré de Robinson Crusoé, Nguyễn Trọng Thuật place l'action au temps légendaire des rois Hùng : un prince exilé avec sa famille sur une île déserte, qui découvre un grand fruit délicieux qu'il cultive et dont il fera un commerce prospère, avant d'être rappelé à la cour.
Tây phương mỹ nhơn (La Belle d’Occident) publié par Mme Huỳnh Thị Bảo Hòa en 1927 raconte une histoire d'amour semée d'obstacles, car l'homme est Vietnamien et la femme est Française, parallèlement à une histoire de migration, celle d'un jeune Vietnamien instruit qui s'est engagé comme soldat en France pendant la Grande Guerre. D'autres femmes de lettres, comme Mme Đạm Phương à Hué au centre et Phạm Thị Bạch Vân à Gò Công au sud, publiaient des livres et composaient des romans, tout en promouvant l'éducation féminine et luttant pour la place des femmes dans la société.
Signe d'une grande réceptivité des auteurs vietnamiens pratiquant les nouvelles techniques d'écriture : l’existence des romans souvent qualifiés de divertissement comme le roman policier ou le roman d'action, mais aussi de roman expérimental. Thế Lữ, avant d'être reconnu comme le hérault de la Nouvelle Poésie, s'essaie au roman de suspense avec le recueil Vàng và máu (Or et sang), avec l'idée d'introduire l'esprit critique et scientifique dans la société vietnamienne. Dans le genre du roman policier, Phạm Cao Củng est prolifique avec des dizaines de romans dans lesquels les énigmes sont résolues méthodiquement. Lê Văn Trương, auteur à grand succès, fait voyager le lecteur et l'aide à s'évader grâce à une écriture efficace et visuelle, très appréciée à l'époque, car "comme au cinéma".
A côté du roman et la poésie, le théâtre est le domaine dans lequel l'évolution est rapide : la première pièce du théâtre parlé Người bệnh tưởng (Le Malade imaginaire) de Molière est traduite du français et mise en scène en 1920 ; en 1921 est présentée Chén thuốc độc (La tasse de poison), pièce écrite en vietnamien et portant sur un sujet sociétal contemporain ; dans les années 1940, les pièces en vers (kịch thơ) portent sur des sujets historiques, dans un style plus solennel.
D'autres romans dénoncent le système colonial. Les plus connus, comme par exemple le roman Tắt đèn (Quand la lampe s'éteint), sont publiés dans le sillage du Front populaire et dans la tendance qualifiée de "réaliste" (hiện thực) décrivant la pauvreté des petits gens, le cynisme des mandarins et des secrétaires-interprètes.
Il faut enfin signaler un genre littéraire particulier, la biographie. A part un grand nombre de biographies de personnages historiques vietnamiens comme les deux sœurs Trưng qui ont mené la révolte au Ie siècle, Trần Hưng Đạo qui a mis en déroute au XIIIe siècle l'armée mongole, Lê Lợi vainqueur de l'armée chinoise et fondateur de la dynastie Lê au XVe, on peut lire des biographies de poètes et d'écrivains, vietnamiens comme Cao Bá Quát, Hàn Mặc Tử, mais aussi le russe Tolstoï et le chinois Lu Xun.
Le Catalogue des ouvrages du fonds indochinois (1922-1954) de la Bibliothèque nationale de France fait état de 2176 titres qualifiés de "roman moderne" seulement pour la période 1930-1944.
Cette masse de textes littéraires est, pour la grande majorité, encore dormante dans les bibliothèques nationales à Paris et à Hanoi. En effet, le lecteur ne connaît en général que les oeuvres les plus emblématiques et les auteurs les plus représentatifs, enseignés et réédités. Grâce à la Bibliothèque numérique France-Vietnam, le lecteur peut lire désormais, dans l'édition originale, toute la littérature publiée en quốc ngữ pendant l'époque française et conservée au fonds du dépôt légal.