Les kapistes

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Le mouvement kapiste est considéré comme l'un des mouvements artistiques les plus importants de l'art polonais au XXe siècle. Sa création et son développement sont intimement liés à Paris.

Création du Comité de Paris

« Kapistes » est l’abréviation du nom « Komitet Paryski » (K.P.) qui signifie « Comité de Paris ». Ce « Comité » est créé à l'automne 1923 par un groupe d'étudiants de l'Académie des beaux-arts de Cracovie, qui désiraient poursuivre leurs études artistiques à Paris. Pour pouvoir réaliser ce projet et financer le voyage, ils organisent des loteries, des soirées d'auteur et des spectacles.

Départ pour Paris

Dès leur arrivée à Paris en septembre 1924, ils se mettent  à travailler intensément et  s’immergent dans la vie artistique. Ils fréquentent les musées pour y étudier la peinture ancienne mais aussi les impressionnistes et les post-impressionnistes. Ils s’imprègnent des nouveautés artistiques,  organisent des soirées littéraires tout en s’évertuant à trouver des ressources nécessaires pour subvenir à leurs besoins de la vie quotidienne.

Parmi les entreprises artistiques et « commerciales » les plus célèbres des kapistes figure le grand bal costumé organisé le 27 novembre 1925 sous le patronage de Pablo Picasso. Le comité d'honneur  comprend en outre : Pierre Bonnard, Olga Boznańska, Constantin Brancusi, Jean Cocteau, Antoine Cierplikowski, Misia Godebska-Sert, Léopold Zborowski et son épouse.  C’est l’occasion d’une rencontre entre de nombreux représentants de l’aristocratie avec des artistes polonais et français.

Le credo artistique des kapistes

Les kapistes aspirent à une peinture « pure », dépourvue de thèmes littéraires et historico-patriotiques. La réalité doit être appréhendée à travers la couleur. Les jeux de couleurs ont pour vocation d’exprimer la lumière, l’espace et les formes. La couleur devenant l’essence de l’œuvre, le sujet est relégué au second plan et s’inspire de l’environnement immédiat. On y trouve ainsi des natures mortes, des paysages, parfois des portraits. Les kapistes travaillent surtout à Paris mais des séjours en province (La Ciotat, Collioure) sont l’occasion d'étudier en plein air.

Personnalités

Le groupe des kapistes comprend : Seweryn Boraczok (1898-1975), Jan Cybis (1897-1972), Józef Czapski (1896-1993), Józef Jarema (1900-1974), Artur Nacht (1898-1974), Tadeusz Piotr Potworowski (1898-1962), Jacek Puget (1904-1977), Hanna Rudzka-Cybisowa (1897-1988), Dorota Seydenmann (1898 ou 1902 –ca 1943), Janusz Strzałecki (1902-1983), Marian Szczyrbuła (1899-1942) et Zygmunt Waliszewski (1897-1936).

Leur premier maître est Józef Pankiewicz (1866-1940), peintre et graphiste, précurseur de l'impressionnisme et du symbolisme polonais à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. C’est lui qui est à l’origine de la tendance  coloriste dans la peinture polonaise des années vingt et trente.

Le principal théoricien du « Comité » est  Jan Cybis. Cependant, malgré un objectif clair et de  nombreux points de vue communs, le développement artistique des membres du groupe s’est poursuivi de manière individuelle

Expositions parisiennes et succès

Le premier succès des kapistes en tant que groupe artistique est le concours de peinture lancé en 1929 par l'ambassadeur de Pologne en France, Alfred Chłapowski et l’Association des Artistes Polonais à Paris. Le jury du concours est  composé d’éminents représentants  du monde artistique parisien: Georges Rouault, Raoul Dufy, Othon Friesz, André Salmon et Józef Pankiewicz. Les kapistes   se voient décerner cinq récompenses. La présentation des œuvres primées a lieu dans l’atelier d’August Zamoyski situé Avenue du Maine et remporte de un vif succès.  

L’exposition suivante des œuvres des jeunes Polonais est  leur première exposition officielle organisée au printemps 1930 à la galerie Zak située 16, rue de l’Abbaye à  Saint-Germain-des-Prés. Le peintre Edouard Vuillard et le marchand d’art Ambroise Vollard s’y rendent.

Au printemps 1931 une autre exposition kapiste se tient cette fois à Genève, à la galerie Moos où 108 œuvres sont  présentées.

Retour en Pologne. Dans le cercle des discussions sur l'art polonais

En 1931, les kapistes retournent dans leur pays natal auréolés de la gloire de leurs succès français et suisses. Ils participent activement aux discussions sur l’art et son rôle dans la vie du pays. Les membres du groupe reçoivent  également  des commandes prestigieuses, entre autres pour les nouveaux décors au château de Wawel.

La vie artistique polonaise des années 1930 est marquée par la polémique entre les kapistes et la "Fraternité de Saint Luc » (Bractwo św. Łukasza), groupe artistique fondé par les élèves du peintre Tadeusz Pruszkowski, diplômés  de l'École des beaux-arts de Varsovie. Contrairement aux membres du Comité de Paris, ceux-ci revendiquent une approche thématique (peinture religieuse et peinture de genre) et s’orientent vers la peinture figurative classique.

Ces deux courants s’opposent certes d’abord pour des questions purement artistiques mais le conflit s’étend aux enjeux plus terre à terre comme les prestigieuses commandes de l’État  et la rivalité pour l’hégémonie au sein du milieu artistique.  

Après la Seconde guerre mondiale

Dans les années quarante et cinquante, de nombreux anciens kapistes deviennent   professeurs dans des  écoles artistiques (J.Cybis  et A. Nacht à l'Académie des Beaux-Arts de Varsovie, H. Rudzka-Cybisowa à l'Académie des Beaux-Arts de Cracovie, A. Nacht et P.Potworowski à l'Ecole supérieure des Beaux-Arts de Gdańsk). Ils enseignent la peinture pure, libre de toute "littérature". En respectant  eux-mêmes  l'art et la profession du peintre, ils insufflent ce respect à leurs élèves. C’est  à la fois un style de vie, de réflexion, et de respect pour les belles choses.

Le style de cette peinture est rejeté par le réalisme socialiste. Par la suite,  ils verront  à nouveau leur art triompher mais non sans être critiqués. Cette fois-ci, les critiques émanent  de la nouvelle génération de peintres qui considère cet art par trop traditionnel. Cependant, l’on peut affirmer  que l'art des kapistes a eu un impact particulièrement significatif sur la peinture polonaise de la seconde moitié du vingtième siècle, se révélant être l'un des héritages les plus durables de l'art de l'entre-deux-guerres.

Légende de l'illustration : W hamaku. Z. Waliszewski. 1933

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