Élisabeth-Louise Vigée Le Brun et les Polonais

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Élisabeth-Louise Vigée Le Brun (1755-1842), artiste peintre française, portraitiste de la reine Marie-Antoinette et de l'aristocratie européenne dont les membres des plus grandes familles polonaises.

Portraitiste de la reine et de l'aristocratie

En 1778, la jeune, mais déjà renommée, Élisabeth-Louise Vigée Le Brun reçoit une commande extrêmement prestigieuse quant à un portrait officiel de la reine Marie-Antoinette. Le tableau est destiné à la mère de la reine, l'impératrice d’Autriche Marie-Thérèse.

Le tableau Portrait de Marie-Antoinette en grand habit de cour (1778, Kunsthistorisches Museum, Vienne) rencontre un immense succès et assoit la position de l’artiste comme l'un des plus grands peintres de son temps.

Ses œuvres contribuent à l’élaboration de l’idéal de la beauté féminine et de la mode vestimentaire de l’époque. Les dames de la haute noblesse veulent être le sujet de ces portraits, désormais objets de convoitise.

Les premières commandes "polonaises"

La noblesse polonaise fait partie de cette aristocratie européenne qui se sent à l'aise dans toutes les capitales d'Europe. Beaucoup de nobles polonais posent pour l'artiste.

A l’occasion d’un séjour à Paris en 1786, la princesse Izabela Lubomirska née Czartoryska, l'une des polonaises les plus éminentes, lui commande le portrait de son pupille, neveu éloigné Henryk Lubomirski.

Henryk Lubomirski (1777-1850) est un enfant célèbre pour sa beauté extraordinaire. Il est portraituré par des artistes de renom (entre autres Angelica Kauffman). Antonio Canova réalise une sculpture le représentant sous les traits d’Amour (1786-1788, Château de Łańcut). Vigée le Brun dépeint Henryk Lubomirski en Cupidon de la gloire (1787-1788, Berlin, Preußischer Kulturbesitz, Gemäldegalerie, Staatlichen Museen zu Berlin) représentant un beau garçon nu et ailé tenant une couronne de lauriers dans ses mains. Il n'est pas inconcevable qu'Izabela Lubomirska, collectionneuse et amatrice d’art, ait proposé personnellement à l'artiste cette idée de portrait se référant à des modèles antiques.

Fuite de France. Voyages en Europe et rencontres ultérieures avec les Polonais

La vie stable de l'artiste prend fin avec la Révolution française. En octobre 1789, avec la première vague d’émigrés, elle quitte la France avec sa fille et sa femme de chambre. Ainsi débute un long périple de douze ans, au cours duquel elle s’arrête dans différentes villes européennes, cherchant constamment des lettres de recommandation, des commandes et de nouveaux clients.

Elle fait étape d’abord en Italie. L'un des portraits peints à Rome est celui d'Anna Potocka née Cetner (1791, collection privée), une belle aristocrate polonaise menant une vie quelque peu aventureuse. Dans ses Souvenirs Mme Vigée Le Brun écrit: J’ai peint cette Polonaise d’une manière très pittoresque: elle est appuyée sur un rocher couvert de mousse, et près d’elle s’échappent des cascades (Elisabeth Vigée Le Brun, Souvenirs 1755-1842, Texte établi, présenté et annoté par Geneviève Haroche-Bouzinac, Honoré Champion, Paris 2008, p. 372).

Ensuite elle s’arrête à Vienne, où elle renoue avec la princesse Izabela Lubomirska. L’artiste y fréquente l’aristocratie polonaise, qu'elle trouve extrêmement charmante. Elle leur consacre plusieurs paragraphes dans ses Souvenirs: Les femmes exceptionnellement charmantes étaient des femmes polonaises: presque toutes belles et gentilles, j'ai peint quelques-unes des plus belles (Elisabeth Vigée Le Brun, Souvenirs, op. cit., p. 482).

Parmi les nombreux portraits de la période de Vienne figurent ceux de : Izabela Lubomirska (1793, Lwowska Galeria Obrazów, Lviv, Ukraine) et un autre de Henryk Lubomirski (1793-1795, Amphion jouant de la lyre avec trois Naïades, collection privée), du prince Adam Kazimierz Czartoryski (Czartoryski dans un manteau rouge, 1793, Château royal de Varsovie; Czartoryski dans un manteau bleu, 1793, collection privée).  Mme Le Brun rencontre également Pelagia Sapieha née Potocka, et elle la peint à plusieurs reprises. Sur l'un des portraits, Pelagia est représentée assise au fond d'une grotte (environ 1794, collection privée), et dans un autre en train de danser avec un châle (1794, Château royal de Varsovie).

A la période viennoise correspond aussi le Portrait d'une femme enturbannée (1793, Musée national de Varsovie) représentant une belle jeune femme dans une tenue orientale, caractéristique du travail de l'artiste à cette période. Cependant, l'identité du modèle reste inconnue.

Saint-Pétersbourg et le travail pour la cour impériale

Élisabeth Vigée Le Brun arrive à Saint-Pétersbourg en 1795 et y demeure jusqu'en 1801, peignant des portraits de membres de la cour impériale, de l'aristocratie russe et internationale. Elle y renoue ses relations avec Stanisław August Poniatowski, l'ancien roi de Pologne. Ce dernier, après avoir abdiqué, quitte la Pologne et vit à Saint-Pétersbourg. Leurs premiers contacts remontent à l'époque prérévolutionnaire à Paris, lorsque le jeune Stanisław Poniatowski fréquentait le salon littéraire de Mme Geoffrin.

En 1797 l’artiste réalise deux portraits de Poniatowski. Le premier dans un costume Renaissance, avec des insignes maçonniques (1797, Musée d'art, Kiev), le deuxième en manteau rouge et avec un ruban de l'Ordre de l'Aigle Blanc (1797, Château de Versailles et de Trianon). Elle consacre à l'ancien roi de Pologne un long passage dans ses souvenirs (Elisabeth Vigée Le Brun, Souvenirs, op cit., p. 584-588). Elle décrit également le neveu du roi, le prince Józef Poniatowski, rencontré sur place. Elle note avec fierté la constatation du Prince : Je dois gagner encore beaucoup de batailles avant que Mme Le Brun ne me peigne (Elisabeth Vigée Le Brun, Souvenirs, op. cit., p. 587).

Parmi d'autres portraits de célébrités polonaises de cette période on peut citer le portrait d’Aniela Radziwiłł (Musée à Nieborów et Arkadia). Le modèle et l'artiste se rencontrent en 1801 à Saint-Pétersbourg où d’abord un croquis au pastel voit le jour (Petit Palais, Paris) et ensuite une peinture à l'huile, achevée à Paris en 1802.

1802 - retour en France

De retour à Paris, l’artiste y exécute en 1808 un portrait d'Helena Potocka née Massalska (Musée national de Varsovie) qui compte parmi ses plus anciennes amies polonaises.

Les lettres de l’artiste envoyées de Suisse à cette aristocrate sont publiées dans la troisième partie de ses Souvenirs (Elisabeth Vigée Le Brun, Souvenirs, op. cit., partie: Voyage en Suisse, p. 699-745).

Portraitiste préférée des Polonais

Si Elisabeth Vigée le Brun ne s’est jamais rendue en Pologne, aucun autre artiste européen de cette époque n'a autant peint les Polonais. Elle leur consacre 33 œuvres dispersées aujourd'hui dans des collections polonaises et étrangères.

Les aspirations de l'aristocratie polonaise étant les mêmes que celles de ses cousins à travers toute l’Europe, plusieurs familles avaient pour ambition de posséder dans sa collection privée un portrait peint par cette artiste célèbre qui, comme nul autre, a su révéler la beauté, la grâce et le caractère du modèle.

Légende de l'illustration : Madame Mole Raymond (?). E. Vigeé-Lebrun. 1900

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