L’École de Paris et les Polonais

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L’École de Paris est un terme créé dans les années 20 du XX siècle. Cette expression désigne les divers phénomènes artistiques engendrés par une colonie internationale d'artistes, principalement d'origine juive, opérant à Paris dans les premières décennies du XXe siècle.

A Paris

Ces artistes ne forment pas un groupe formel, ne partagent pas un programme artistique collectif, ne se réfèrent pas à un maître commun. Ils sont plutôt associés par des liens d’amitié et par le biais de la vie sociale. Leur dénominateur commun est Paris, ville élue par eux comme lieu de vie et création.
Ces nouveaux venus, principalement originaires d'Europe centrale et orientale, viennent d’endroits où diverses traditions et cultures se sont mélangées pendant des siècles. La rencontre de cet héritage avec le milieu artistique parisien crée une impulsion propre à favoriser l’éclosion de leur talent et de leur créativité artistique.

Montparnasse - un nouveau quartier d'artistes

Le quartier où ils vivent et travaillent est Montparnasse, qui, au début du XXe siècle a repris le rôle joué auparavant par Montmartre pour les artistes. Y habitent aussi poètes, écrivains, journalistes et moult d’excentriques, attirés par l’atmosphère extraordinaire du lieu. Le quartier fourmille de vie. Les artistes se rencontrent dans de lieux célèbres tels que les cafés La Rotonde et Le Dôme, des bars de nuit, magasins, librairies et théâtres. Un lieu légendaire est La Ruche, un bâtiment abritant plusieurs ateliers, par lequel passaient de nombreux artistes, principalement d’Europe centrale.

Les marchands d'art. Léopold Zborowski

Les marchands d’art jouent un rôle particulier dans le milieu de l'École de Paris. L'un d'eux est le polonais Léopold Zborowski (1889-1932). Poète, homme d’une grande culture littéraire, il est venu étudier à Paris autour de 1913 - 1914. Pour vivre, il commence par vendre des livres, des estampes et des tableaux. Au fil du temps, il devient l'un des marchands parisiens les plus influents. Grâce à Moïse Kisling, il fait la connaissance d’Amadeo Modigliani, devenant son ami et son mécène. La femme de Zborowski, Anna, est l'un des modèles préférés de l'artiste.

Les Polonais et l’École de Paris

Les peintres polonais ont également apporté une contribution exceptionnelle au milieu international de Paris et à l’art européen de la première moitié du XXe siècle. Ils sont nombreux, parmi lesquels on peut citer :

Moïse Kisling (1891-1953)

D'origine juive polonaise, Moïse Kisling, est l'un des représentants les plus remarquables de l'École de Paris. Il commence ses études artistiques à l'Académie des Beaux-Arts de Cracovie. Il part pour Paris en 1910 sur les conseils de son professeur, Józef Pankiewicz. Il y rencontre Pablo Picasso, Juan Gris, le critique d’art Adolf Bassler, qui devient le principal propagateur de son travail. Il fait également  connaissance du marchand Leopold Zborowski. Plein d'esprit et de charme, il est l'une des figures les plus pittoresques de Montparnasse, l'âme de la fête et des jeux, le favori des femmes, le roi de la vie nocturne. On l'appelle le "prince de Montparnasse".
Son travail, avant tout des portraits, se caractérise par une stylisation délicate, des couleurs vives et pures et une ambiance mélancolique.

Mela Muter (1876-1967)

Maria Melania de Klingsland Mutermilch, à partir de 1918, elle utilise le nom de Mela Muter, est issue d'une riche famille de Varsovie ayant des origines juives. Elle part pour la capitale de la France en 1901. Elle occupe une position très importante parmi les artistes polonais actifs à Paris au 20ème siècle. C'est une artiste très talentueuse, une femme dotée d’une vive intelligence et d'une grande beauté, amie des personnalités les plus connues de son époque. Elle fut le dernier amour du poète Rainer Maria Rilke. Son œuvre est constituée de portraits, de natures mortes, de paysages. Au confluent de nombreuses influences, elle crée un style de peinture très personnel. Ses œuvres de l’entre-deux-guerres se caractérisent par des grands formats et des couleurs mates.

Eugeniusz Zak (Eugeniusz Żak, 1884-1926)

Né dans une famille de juifs polonais assimilés, il commence ses études artistiques en 1902 à l'École des beaux-arts de Paris. En 1903, il entreprend un voyage en Italie. De retour à Paris, il fait ses débuts en 1904 au Salon d’Automne. Il expose également au Salon des Indépendants et à la Société Nationale des Beaux-Arts.
Sa première exposition individuelle a lieu en 1911 à la Galerie Druet. Dans les années 1916-1922, il réside en Pologne et devient l’un des fondateurs du groupe « Rytm » ("Rythme"), un groupe artistique essentiel au développement de l'art polonais dans l'entre-deux-guerres. En 1923, il s'installe à nouveau à Paris.
Il a peint principalement des compositions décoratives et lyriques représentant des figures stylisées de danseurs, d'arlequins et de bergers. Ses œuvres se caractérisent par une composition rythmique, une modélisation douce et claire. L'art de Zak est extrêmement poétique, évoquant une atmosphère de mélancolie, de tristesse et d'incertitude.

Roman Kramsztyk (1885-1942)

Il étudie à l'Académie des Beaux-Arts de Cracovie sous la direction de Józef Mehoffer, puis à Varsovie et à Munich. Il passe les années 1910-1914 à Paris, pendant la Première Guerre mondiale il vit en Pologne. Avec Eugeniusz Zak, il fut l'un des cofondateurs du groupe « Rythme ». En 1922, il s'installe définitivement à Paris.
Il peint des nus, des paysages, des natures mortes et surtout des portraits, qui font partie de ses meilleures réalisations. Dans son art on peut retrouver à la fois l’expérience du post-impressionnisme français et de l’art de Paul Cézanne, et aussi la fascination pour la tradition de la peinture européenne (par exemple de la Renaissance italienne).

Il est issu d'une famille juive bien connue de Varsovie. Son grand-père, Isaac, était rabbin. Cependant, le père Julian est baptisé, s'éloignant ainsi du judaïsme, le peintre lui-même était catholique. Jusqu'à la seconde guerre mondiale, les motifs juifs sont absents dans l'art de Kramsztyk. Bien que résidant en France, il revient chaque année en Pologne où il est surpris en 1939 par le début de la guerre. Avec la communauté juive de Varsovie, il se retrouve dans le ghetto créé par l’occupant nazi. Ses amis lui proposent de l’aider à s’en échapper et à se cacher dans le secteur "aryen". Il décide cependant d’y rester. Pendant cette période, il dessine des scènes de faim, de misère et du destin tragique des Juifs polonais, livrant ainsi un témoignage bouleversant de la vie quotidienne du ghetto.
Il est abattu dans la rue dans les premiers jours de la liquidation du ghetto de Varsovie.
Władysław Szpilman l’évoque à plusieurs reprises dans son livre « Le pianiste ».

Collection du musée national de Varsovie

Le Musée national de Varsovie possède la plus grande collection (parmi les collections publiques polonaises), d'œuvres d'artistes polonais ayant résidé à Paris du début du XXe siècle à la Seconde Guerre mondiale.

La première génération d'artistes polonais installés à Paris dans les années 1901-1909 est représentée dans la collection par : Mela Muter, Eugeniusz Zak, Gustaw Gwozdecki, Leopold Gottlieb, Jerzy Merkel, Elie Nadelman, Roman Kramsztyk, et également Louis Marcoussis et Henryk Hayden.

Le groupe suivant est constitué de peintres nés vers 1890 et venus à Paris vers 1910. Moïse Kisling en fait partie (à côté des non représentés de la collection Szymon Mondzain, Maurycy Mędrzycki et Henryk Epstein).

Les artistes arrivés à Paris après 1918, représentent la génération de ce qu’on a coutume d’appeler « La Deuxième École de Paris", il s’agit de : Alfred Aberdam, Zygmunt Menkes, Joachim Weingart.

Les autres artistes associés à l'École de Paris dont les œuvres se trouvent au Musée national de Varsovie sont : Jerzy Ascher, Irena Hassenberg, Józef Hecht, Pola Lindenfeld, Adolf Milich, Wacław Kajetan Pająk, Dawid Seifert, Marceli Słodki, Zygmunt Szreter, Marek Szwarc, Włodzimierz Terlikowski, Wacław Zawadowski, Kazimierza Zieleniewski.

 

Légende de l'illustration : Portret mężczyzny w szarym swetrze. L. Gottlieb. 1930

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