Littérature et idées
L’accession à l’indépendance du Brésil, en 1822, le fait entrer dans le concert des États-Nations du XIXe siècle, avec lesquels il partage la nécessité de construire ses Grands Récits nationaux et de s’illustrer par les arts et lettres.
Il était alors inévitable que la centralité symbolique de quelques capitales européennes, en particulier Paris, conduise nombre d’intellectuels brésiliens à se saisir des modèles en vogue, ne serait-ce que par souci de reconnaissance. On aurait cependant tort de ne voir là qu’un processus d’imitation, tant les interactions et innovations sont plus subtiles et complexes qu’il n’y paraît. Qu’il s’agisse de la génération dite romantique, en fait assez hétérogène, des « parnassiens », des « symbolistes » ou des « naturalistes », derrière la ressemblance des étiquettes, s’opère un tri sélectif et bien des réappropriations en fonction des enjeux politiques et culturels locaux. Sur les scènes théâtrales ou dans la presse, les revues et les magazines, voire en matière de structuration du marché éditorial (le cas Garnier, par exemple), pas un domaine n’échappe à ces jeux d’échos et de transferts, de resémantisations traversées, pour ce qui est de la France, tantôt par des sympathies gallophiles, tantôt par des réactions gallophobes.
En sens inverse, le Brésil sera source de curiosités et d’élaborations imaginaires, comme en témoignent une production littéraire souvent mineure, parfois à l’adresse de la jeunesse, ou des signes d’intérêts sporadiques comme ceux que manifeste Victor Hugo, pourtant omniprésent chez les lettrés brésiliens d’alors. Parmi les grandes figures de « passeur » du XIXe siècle, Ferdinand Denis a joué un rôle central après son séjour de trois ans à Rio et Salvador (1816-1819), d’autant qu’il ne meurt qu’en 1890 et qu’à partir de 1838, il gravit les échelons de la Bibliothèque Sainte-Geneviève jusqu’à en devenir, en 1865, l’administrateur.
Dans la première moitié du XXe siècle, les contributions les plus fécondes s’articuleront autour du mouvement moderniste brésilien des années vingt, avec les voyages de Blaise Cendrars et de Benjamin Péret (voir ceux de Claudel et de Milhaud) ; tandis que la période de la Seconde Guerre Mondiale sera, elle, ponctuée par l’expression de sympathies pour la France et le séjour de Georges Bernanos, qui tissera des liens avec les milieux intellectuels catholiques.