Maxime Du Camp, photographe le temps d’un voyage avec Gustave Flaubert et d’un livre, Égypte, Nubie, Palestine et Syrie. Dessins photographiques recueillis pendant les années 1849, 1850 et 1851 (Gide & J. Baudry, 1852).
Qui se souviendrait aujourd’hui de Maxime Du Camp (1822-1894) s’il n’avait été l’ami de Gustave Flaubert ? La plupart de ses ouvrages, non réédités, sont actuellement introuvables. Pourtant, Du Camp connut son heure de gloire, non pas comme homme de lettres, mais comme photographe, rapportant de son périple en Orient plus de 200 calotypes réalisés en moins d’un an.
Maxime Du Camp connaissait la Turquie où il avait séjourné en 1843 et d’où il avait rapporté Souvenirs et paysages d’Orient : Smyrne, Magnésie, Ephèse, Constantinople. Cependant, chargé de mission archéologique par le ministère de l’Instruction publique et répondant à l’engouement des Européens pour l’Égypte ancienne et la Terre sainte, c’est aux sites de la vallée du Nil et de la Palestine qu’il consacre son voyage photographique intitulé Égypte, Nubie, Palestine et Syrie. Dessins photographiques recueillis pendant les années 1849, 1850 et 1851, illustré de 125 planches. Malgré un prix élevé, les exemplaires remportent un franc succès et la consécration est au rendez-vous. La presse, dont La Lumière, première revue de photographie française, lui consacre un article élogieux. Du Camp reçoit plusieurs médailles, puis est nommé officier de la Légion d’honneur, au grand dam de Flaubert, son compagnon de voyage : « Admirable époque, écrit-il à Louise Collet, que celle où l’on décore les photographes et où l’on exile les poètes. »
Flaubert, qui tenait en piètre estime la littérature de voyage, se montra tout aussi sévère avec le récit de Du Camp de leur expédition dans Le Nil, livre considéré « curieux de nullité », sentant « le travail bâclé » et « l’œuvre de commande ». Dans sa correspondance, Flaubert évoque à plusieurs reprises « les rages photographiques » de Du Camp qui connut quelques déboires avant d’abandonner un procédé mis au point par Gustave Le Gray, auquel ce dernier l’avait initié, et d’opter pour celui de Blanquart-Évrard, d’un maniement plus aisé. Flaubert indique également que « Maxime a lâché la photographie à Beyrouth », en octobre 1850, vendant ses appareils « à un amateur frénétique », avant de gagner Rhodes, puis Smyrne et Constantinople.
Comme Du Camp l’exposa à diverses reprises, se conformant aux instructions de l’Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres, ses prises de vue étaient résolument documentaires. Son objectif : rapporter des images permettant une reconstitution exacte des monuments et des sites les plus remarquables. Pour l’écrivain, il s’agissait d’une simple technique, utile en certaines occasions, mais dépourvue de qualité artistique. Du Camp rejoignait ainsi les considérations de Baudelaire, lequel lui dédia un poème, « Le voyage », et qui allait s’insurger dans Le Salon de 1859 contre le fait que la photographie puisse « suppléer l’art dans quelques-unes de ses fonctions ». L’Exposition universelle de Paris, en 1855, valut à Du Camp une médaille supplémentaire pour son livre pionnier. Puis, les années passant, après avoir tiré tous les avantages de cette expérience, il écrivit au peintre orientaliste Eugène Fromentin qu’il pouvait puiser à sa guise dans ses anciennes épreuves, n’en ayant « que faire ».