Le voyage à Constantinople

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Il faut attendre la seconde moitié du 19e siècle, à mesure que les moyens de transport se développent avec les bateaux à vapeur et les chemins de fer, pour que Constantinople devienne accessible à un nombre croissant de voyageurs. Auparavant, ce périple qui exigeait fortune, temps et appuis diplomatiques, était réservé à une élite privilégiée et cultivée.

L’axe de communication reliant Vienne à la capitale ottomane par Budapest, Belgrade, Bucarest et la mer Noire, resta l’accès à  Constantinople le plus fréquenté, jusque dans les années 1870. Toutefois, le circuit danubien, dont les inconditionnels ont vanté la richesse des paysages (« rives d’Autriche, de Hongrie, de Serbie, de Moldavie, de Valachie et de Bulgarie, baignées par les eaux de ce fleuve majestueux ») fut rapidement concurrencé par des compagnies maritimes assurant des liaisons régulières via la Méditerranée. Au départ de Marseille, le voyageur avait le choix entre un paquebot des Messageries Maritimes (première grande compagnie de navigation créée en France, en 1851, dix ans avant la célèbre « Transat ») ou des navires de compagnies moins prestigieuses, mais souvent moins chères : Fraissinet, Fabre et N. Paquet. Les voyageurs pouvaient aussi se rendre à Trieste pour embarquer à bord de paquebots du Lloyd autrichien. Les Allemands avaient la Norddeutscher Lloyd et les Anglais la Peninsular and Oriental Steam Navigation Company dont la priorité était toutefois la route des Indes.

Si, dès 1853, le guide des paquebots-poste du Levant s’ouvre sur des conseils aux voyageurs d’agrément, cette mention ne doit pas tromper : la grande majorité des passagers voyageaient par nécessités professionnelles et familiales (commerçants, fonctionnaires, diplomates, militaires et religieux) et l’objectif premier des compagnies maritimes était le transport de courriers ainsi que la desserte de ports selon un itinéraire fixe. Les croisières proprement dites (voyage non régulier, selon un itinéraire établi, ponctué d’escales, sur un paquebot réservé aux passagers inscrits) n’apparaîtront que progressivement, à la fin du 19e siècle. En France, elles voient le jour sur l’initiative du directeur de la Revue générale des Sciences pures et appliquées, secondé par un impressionnant comité d’étude et de patronage, avec pour destinations phares, la Grèce et l’Empire ottoman. Plusieurs agences en proposent également, dont Lubin (fondée à Paris en 1874), Duchemin, et plus encore Cook (créée dès 1851, pionnière dans le domaine du tourisme qui édite un mensuel, The Excursionist, traduit en plusieurs langues, ainsi que  d’innombrables brochures et circuits).

Bien que les voyageurs et les guides touristiques n’aient cessé de répéter que Constantinople était une ville à découvrir par voie maritime, celle terrestre l’emporte avec le développement du tourisme ferroviaire. En 1889, l’Orient-Express relie, sans rupture de charge, Paris à Constantinople en moins de 68 heures, introduisant un formidable gain de temps, dans le plus grand confort (couchettes, wagon restaurant, fumoir-bibliothèque, boudoir pour les dames). Pour accueillir ces voyageurs, de nouveaux hôtels, plus vastes et luxueux, ouvrent leur porte, dont le célèbre Péra Palace, financé par la Compagnie Internationale des Wagons-Lits. La réduction du temps de parcours entraîne un raccourcissement des séjours d’autant qu’un voyage à bord de « ce palace du rail », qui n’a pas manqué d’inspirer artistes et romanciers, est aussi important que la destination. Si du temps de Gérard de Nerval la moyenne d’un séjour dans la capitale ottomane était de trois mois, quelques jours suffisent dorénavant.

Après la Première Guerre mondiale, l’Orient-Express, remplacé durant le conflit par le Balkanzug (qui reliait Berlin à Sofia), réemprunte son trajet initial (Paris-Strasbourg-Vienne-Budapest) tandis que le Simplon-Orient-Express suit un trajet méridional (Milan-Venise-Belgrade-Sofia). Inauguré en 1930, le Taurus-Express, prolongement du Simplon-Orient-Express, après un passage en ferry de la gare de Sirkeci à celle d’Haydarpaşa, emmène les voyageurs soit vers Ankara, soit vers Alep et Le Caire (moyennant un transport en voiture entre Tripoli et Haïfa), ou encore vers Bagdad et Bassorah (de nouveau par la route).

En 1923, année de la proclamation de la République turque, une compagnie aérienne franco-roumaine commence à desservir Constantinople, qui perd son statut de capitale. Quatre ans plus tard, devenue CIDNA (Compagnie Internationale de Navigation Aérienne), elle boucle le circuit des Balkans en atteignant l’aéroport d’Istanbul (Yeşilköy) à bord d’un avion baptisé la Flèche d’Orient (auquel Paul Morand consacre un roman du même nom, en 1932). À bord, tout au plus une dizaine de passagers qui embarquent du Bourget à 4 heures du matin, pour parvenir, après sept escales, à Bucarest à 20 heures, et le lendemain midi à Istanbul. Néanmoins, comme le prédit le général Duval, directeur de la CIDNA : « Le rêve de l’Orient fut celui de tous les temps et la vraie route internationale sera celle des airs. »

Légende de l'image : Constantinople par L. Thuillier. Extrait des guides Joanne. 1916

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Les grandes collections de guides du voyageur : Murray’s Handbooks for Travellers (Londres), les Baedeker (Leipzig) et les Guides-Joanne (édités par la Librairie Hachette), ancêtres des Guides-Bleus. 
Catherine Pinguet, docteur ès lettres, chercheuse associée au Centre d'Etudes Turques, Ottomanes, Balkaniques et Centrasiatiques (CNRS-EHESS)
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