Œuvre des Écoles d'Orient

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Œuvre des Écoles d'Orient, bulletin périodique devenu Œuvre d'Orient, publication trimestrielle

Conséquence indirecte de la signature des Capitulations, les occidentaux chrétiens expatriés dans l’empire ottoman peuvent disposer d’aumôniers. Issus de plusieurs congrégations (jésuites, lazaristes, franciscains, capucins, dominicains), ces aumôniers assurent le service de l’ambassadeur à Istanbul et des consuls affectés aux « échelles du Levant ». Leur présence va en outre assurer un lien avec les communautés chrétiennes orientales. Pour celles-ci sont mises en place une pastorale discrète, des écoles, d’abord pour les garçons à la fin du XVIIème puis pour les filles au siècle suivant à la faveur de l’installation de congrégations féminines, des dispensaires et des hôpitaux au XIXème siècle. Ces institutions, notamment scolaires, vont permettre aux chrétiens orientaux d’occuper une place importante dans la vie culturelle des grandes villes que sont Alep, Istanbul, Mossoul, Damas, Bagdad, Alexandrie, Le Caire au point qu'ils compteront parmi les principaux animateurs de la Nahda.

C’est dans ce cadre que naît en 1856, l’ Œuvre des Ecoles d’Orient, à l’issue de la guerre de Crimée. Elle est créée par deux professeurs du Collège  de France, le mathématicien Augustin Cauchy et l’égyptologue Charles Lenormant. Si les membres du Conseil d'Administration sont laïcs, le directeur  sera un religieux, l'abbé Lavigerie, à l'époque chargé de cours à la Sorbonne. Son adjoint, l'abbé Soubiranne lui succédera pour une longue période.

Compte tenu de son objet et de ses fondateurs, le bulletin de l’Œuvre des écoles d’Orient, que l’association publie à partir de 1857 va consacrer une large place à l’enseignement. Dès le bulletin n°1 (novembre 1857), cette orientation se découvre dans le rapport de la mission des lazaristes dans le Levant par le père supérieur général Etienne qui décrit les établissements scolaires de l’empire ottoman, à Constantinople, Smyrne, Salonique, de Grêce, Naxie et Santorin, de Syrie, Damas et Alep, du Liban actuel, Tripoli et Antoura. Dans le même bulletin, le père supérieur de la mission jésuite en Syrie traite des écoles et des orphelinats de Zahlé, Bikfaya, Beyrouth et Ghazir. Un 3ème article évoque le parrainage organisé par les élèves du collège jésuite de Mongré (près de Villefranche sur Rhône) pour payer la scolarité de jeunes syriens.

En 1860, des massacres de chrétiens ont lieu dans le Chouf libanais et à Zahlé, planifiés par leurs voisins druzes tandis qu'à Damas, les autorités ottomanes laissent faire les émeutiers  sunnites. La France envoie un corps expéditionnaire qui restera cantonné au Mont-Liban. L’Œuvre aide à ouvrir des orphelinats couplés à des écoles, notamment «pour permettre aux orphelins dont les pères ont été assassinés de pouvoir aider leurs mères car les femmes en Orient ne gagnent rien» (bulletin n°15, 1864).

Les zones d'intervention de l'œuvre incluent l' Égypte, la Syrie, le Mont-Liban, la Mésopotamie, la Perse, l’empire ottoman, les provinces balkaniques ottomanes (Bulgarie, Serbie, Macédoine), la régence de Tunis, le royaume de Grèce.

Les donateurs se recrutent dans tous les évêchés de France ; les congrégations françaises parrainent la formation, l'entretien de religieux et religieuses maronites, melkites, arméniens (le bulletin n° 17 donne ainsi la liste de 38 religieuses du Sacré-Coeur de la Bekaa parrainées par des religieuses françaises de 30 couvents et le n° 24 celle de 54 sœurs Mariamehs parrainées par autant de bienfaitrices). Les dons proviennent aussi du Royaume-Uni, de Belgique, d'Espagne, d'Italie, de Hollande, des États-Unis, d'Océanie. En 1861, les recettes se montent à 110.000 francs. La rubrique nécrologique évoque les donateurs français et européens. Les pèlerinages en Terre Sainte et l'adoption d'orphelins par des familles françaises sont encouragés.

Parmi les chroniqueurs, le père jésuite de Damas, qui fut aumônier du corps expéditionnaire en Crimée, décrit les vicissitudes de la communauté catholique naissante en Bulgarie (n° 14), les massacres au Mont-Liban des Maronites par les Druzes de 1860 (n° 24).

Dans le domaine culturel, l’Œuvre subventionne l'édition du fameux dictionnaire franco-arabe  de 1863 encore en usage et  l'imprimerie des pères dominicains de Mossoul, dont les publications seront exposées aux Archives Nationales en 2015.

La politique anticléricale de la 3ème République, expulsant les religieux hors du territoire national, permit à ces derniers de se rendre en assez grand nombre dans l’empire ottoman (dont un sujet sur quatre était chrétien en 1900), permettant d'ouvrir de nouveaux établissements  qui deviendront prestigieux, scolarisant enfants chrétiens, musulmans, juifs et aussi  l'Université Saint-Joseph à Beyrouth. Les Chrétiens orientaux acquerront ainsi une place plus importante dans leurs pays respectifs. Les bulletins en rendent compte. En 1931 le titre Œuvre d'Orient remplace Œuvre des écoles d'Orient.

La situation dramatique actuelle dans laquelle se trouvent certaines communautés chrétiennes déplacées de force comme à Mossoul et dans les villages de la plaine de Ninive, ou ayant fui sous la menace des mouvements terroristes en Syrie et en Égypte, interpelle l’Œuvre d'Orient, et les bulletins montrent les efforts faits pour reloger dignement les familles éprouvées dans des zones moins exposées ou même leur accueil en France.

Ainsi, depuis plus de 160 ans, le bulletin de l’ Œuvre des écoles d’Orient puis de l’ Œuvre d’Orient, constitue une source importante, qui témoigne à la fois de la vie des communautés chrétiennes orientales et de leurs relations avec les catholiques français et européens.

Légende de l'image : Oeuvre des écoles d'Orient, bulletin périodique. Avril 1923

 
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