Campagne d'Égypte

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Tournant majeur dans les relations entre la France et l’Orient, la campagne d’Égypte, entreprise par le Directoire à partir de 1798, est la concrétisation d’un rêve de conquête dont les prémisses remontaient au règne de Louis XIV.

Le diagnostic des diplomates et des militaires français, confirmé par des témoignages de voyageurs du XVIIIe siècle, faisait de l’Égypte une contrée tiraillée entre l’autorité lointaine de l’empire Ottoman et la domination plus violente des mamelouks. Dépourvu d’une armée organisée ou d’une administration forte, ce pays lointain était donc considéré par le Directoire comme une conquête facile, dans un contexte de guerre européenne où il fut jugé nécessaire d’ouvrir un nouveau front contre l’Angleterre. D’un point de vue économique, l’Égypte offrait à la France une ouverture vers les routes commerciales de l’Extrême-Orient, les négociants français ayant eu du mal à s’implanter au Caire ou à Alexandrie. En outre, l’art et la culture de l’Égypte ancienne fascinaient l’Europe depuis les publications des récits de voyageurs savants au XVIIe siècle. Enfin, la nomination du jeune général Bonaparte à la tête de l’armée d’Égypte permit aux Directeurs de se débarrasser d’un militaire ambitieux, susceptible de préparer un coup d’État. L’expédition qui leva l’ancre de Toulon le 19 mai 1798 comptait 40 000 hommes et 10 000 marins, répartis sur plus de 400 navires, sans oublier environ 150 savants.

Après avoir pris Malte en juin, Bonaparte et sa flotte arrivent le 2 juillet en rade d’Alexandrie, bientôt prise aux janissaires. Le 21 juillet, lors de la bataille des Pyramides, Bonaparte défait les mamelouks commandés par Mourad Bey. Le lendemain, il s’installe au Caire, d’où il compte organiser la conquête méthodique du pays. Le 1er août, la première bataille d’Aboukir voit la destruction de la flotte française par une escadre anglaise : l’armée française est désormais prisonnière de l’Égypte. Se comportant en véritable souverain, Bonaparte entreprend la réforme du pays sur le modèle français : célébration des fêtes républicaines, création de journaux, réorganisation de l’administration locale, réforme de la collecte des impôts, menée par des Français mais avec l’aide de notables locaux. La fondation de l’Institut d’Égypte, où siègent les savants venus de France avec Bonaparte, permet de lancer des recherches sur la topographie, l’histoire, l’art, l’archéologie et la culture de l’Égypte moderne et antique.

L’armée a cependant subi de lourdes pertes, et la révolte du Caire le 21 octobre montre que la soumission du pays n’est pas complète : les chefs mamelouks Ibrahim Bey et Mourad Bey se sont réfugiés dans la Haute-Égypte et une guérilla fait rage dans la Basse-Égypte. Les troubles réprimés, Bonaparte apprend que l’empire ottoman a déclaré la guerre à la France et que le chef Djezzar Pacha occupe le fort d’El-Arich, à la frontière de la Palestine, ce qui le contraint à monter une expédition militaire. Le fort pris, l’armée française  marche sur Gaza puis sur la place forte stratégique de Jaffa, où ont lieu de violents combats contre les troupes ottomanes du 3 au 7 mars. La conquête est suivie d’une épidémie de peste. Cependant, Bonaparte ne parvient à prendre Saint-Jean-d’Acre à la garnison ottomane, appuyée par des renforts de la Marine britannique. Cette campagne de quatre mois se solde donc sur un échec.

Épuisée, l’armée d’Égypte regagne le Caire en juin pour repartir immédiatement vers Alexandrie où a lieu la seconde bataille d’Aboukir du 25 juillet, où Bonaparte parvient cette fois-ci à vaincre l’armée ottomane appuyée par la flotte britannique de Sidney Smith. Cette victoire permet aux Français de gagner un peu de répit, mais la conquête de l’Égypte s’avère intenable. Bonaparte embarque secrètement pour la France le 23 août. Il laisse le commandement au général Kléber et retourne à Paris s’emparer du pouvoir. Malgré une nouvelle victoire à Héliopolis le 18 mars, l’assassinat de Kléber le 14 juin suivant déstabilise les Français. Son successeur, le général Menou – qui s’est converti à l’Islam –, tient l’Égypte jusqu’au 31 août 1801, date de sa reddition. Il obtient des Anglais le rapatriement de son armée en France.

Échec sur le plan militaire, l’expédition fut un succès d’un point de vue scientifique et culturel. La découverte de l’Égypte antique fascinera l’Europe artistique et savante. Les légendes autour de la campagne feront partie de la propagande du régime impérial avant de nourrir la légende napoléonienne. La découverte de la civilisation orientale a représenté un choc pour de nombreux Français : le style « retour d’Égypte » fera fureur sous le Consulat et l’Empire, tandis que l’orientalisme s’épanouira dans les arts français pendant plusieurs décennies. Les études sur la civilisation des pharaons se multiplieront également, de la monumentale Description de l'Égypte (1809-1829), jusqu’au déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion (Précis du système hiéroglyphique des anciens égyptiens, 1824), sans oublier l’ouverture du musée égyptien par Charles X au Louvre en 1826, et l’installation de l’obélisque de Louqsor place de la Concorde en 1836. Durant des décennies, la concurrence entre égyptologues français et anglais fera rage. La France et l’Égypte entretinrent des rapports privilégiés tout au long du siècle, concrétisés par des voyages, des échanges commerciaux et diplomatiques. L’expédition d’Égypte, conflit sanglant, à l’utilité incertaine, a malgré tout permis à l’Égypte de s’ouvrir au monde et de lancer des échanges avec l’Europe qui se développeront tout au long du XIXe siècle.

 

Légende de l'image : Vue de la prise d'Alexandrie par l'armé française aux ordres de Bonaparte le 4 prairial an 6. (1798)

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