Ouvrages manuscrits du feu roi de Pologne Stanislas Ier, la plupart écrits de sa main
Après la mort de Stanislas Leszczynski, roi déchu de Pologne et duc de Lorraine et de Bar, survenue en 1766, son secrétaire réunit les manuscrits du souverain et les fait relier en un volume qu’il remet à la Bibliothèque publique de Nancy le 23 avril 1767. De fait, tous les textes littéraires et politiques connus écrits de la main de Stanislas sont conservés en ce seul lieu.
Surnommé le « teinturier du roi » parce qu’il amende les textes de Stanislas, Pierre Joseph de La Pimpie, chevalier de Solignac (1687-1773) est l’auteur d’une Histoire générale de Pologne, mais aussi de nombreux discours et éloges qu’il prononce à l’Académie Royale des Sciences, Arts et Belles Lettres de Nancy dont il est le secrétaire perpétuel. Le 11 mai 1766, il prononce l’éloge historique de son maître dans lequel il convient que « l’homme de lettres seul, transmet, pour ainsi dire, les Héros vivans à la postérité, lui seul crayonne avec des traits plus solides, que le bronze & l’airain, les mouvemens de leurs ames, & l’étendue de leur génie » (orth. originale respectée). L’édition en 4 volumes réunissant les Œuvres du philosophe bienfaisant, datée de 1763, lui est due également.
Le recueil manuscrit renferme une soixantaine de textes différents, dont certains sont encore inédits. La plupart sont des mémoires politiques mêlés de philosophie et de morale, emprunts de piété et de religiosité. Leurs titres sont parfois programmatiques : De l’affermissement de la paix générale, La Voix libre du citoyen. Certains résonnent comme des aphorismes : Le Remède pire que le mal, Les Plus Grandes Vertus ne sont pas exemptes de corruption. D’autres font preuve d’une certaine ambition littéraire comme le fameux Entretien d’un Europeen avec un insulaire du royaume de Dumocala, une utopie décrivant le régime politique d’une citée idéalement gouvernée. Doit-on préciser qu’il fallait y voir en miroir la Lorraine et sa capitale, Nancy ?
En tête du volume, Solignac a placé un texte sans titre. Il s’agit des conseils donnés à la future reine de France, Marie Leszczynska, pour son mariage avec Louis XV. Stanislas, pour parler à sa fille, emprunte la voix du Saint Esprit et lui souffle la conduite à tenir :
« … Loués Dieu, Soyés charitable envers le prochain, aimés le Roy, haissés le vice, possedés vous dans le bonheur, soyés ferme dans les traversées et ne succombés pas dans le malheur, résistés aux piéges du monde, corrigés les fautes par la clemence, les crimes par la justice, et soutenés le merite par la recompense, jugés de tout sans passion pour vivre et regner heureuse ».
Dans un mémoire au commencement prometteur : « Ayant reflechys sur touttes sortes de manieres d’etablissements pour faire fleuryr les sciences et les arts en Lorraine... », nous assistons à la naissance de la future Académie royale des Sciences, Arts et Belles Lettres, alors que, quelques feuillets plus loin, Stanislas déclare :
« Je m’areste a l’objet principale qui doit la faire créer et illustrer par la suitte des temps. J’entends une Bibliotheque publyque… ».
Dans sa correspondance, dont 71 lettres sont conservées à Nancy, on trouve des billets adressés à son favori le comte de Tressan ainsi qu’à Solignac, toujours à propos de ses œuvres : « … Je vous prie mon cher Solignac… qui me donne…une [idée] pour adjouter a la [partie] ou il est ecrit que mon bonheur seroit parfait si je pourois rendre tous les mortels heureux les paroles suyvantes : mais c'est ce qui faict mon tourment quand il est question de contenter la variete des gouts des caprices et des pretentions souvent deraisonables des pretendants a mes graces. Je vous embrasse. Stanislas Roy ». Il semble qu'une certaine amertume ait gagné le souverain au moment où il s'empare de sa plume pour faire part à son secrétaire de cette précision. Stanislas est pourtant l'auteur d'un Discours dans lequel on fait voir que le vrai bonheur consiste a faire des heureux. Ce texte est d'un optimisme sans tache, à peine l'auteur relève-t-il « l'inconvénient de faire des ingrats », idée vite rejetée, d'autant que le discours est suivi d'un second Dans lequel on fait voir que l'espérance est un bien dont on ne connoît pas assez le prix.
La fin du recueil est particulièrement émouvante. Perdant progressivement la vue, le roi garde l’habitude d’écrire lui-même ses pensées, mais son écriture est de plus en plus incertaine, et difficile à déchiffrer. Sur la partie droite de la page, là où Solignac avait l’habitude de transcrire les idées de Stanislas pour les mieux exprimer, le secrétaire se fait désormais paléographe et traduit de manière lisible les signes tracés de la main désormais maladroite.
Publié en août 2017
Légende de l'illustration : Ouvrages manuscrits du feu roi de Pologne Stanislas Ier, la plupart écrits de sa main.