La présence scientifique française sur le territoire de l’actuel royaume Hachémite de Jordanie remonte à 1828, date de l’exploration pionnière de Pétra par l’ingénieur L. M. Linant de Bellefonds et le jeune Léon de Laborde. Cette dernière est publiée en 1830 sous le titre Voyage de l’Arabie Pétrée.
La présence scientifique française sur le territoire de l’actuel royaume Hachémite de Jordanie remonte à 1828, date de l’exploration pionnière de Pétra par l’ingénieur Louis Maurice Linant de Bellefonds (1798-1883) et le jeune Léon de Laborde (1807-1869). Partis du Caire, les deux jeunes gens atteignent Pétra par le Sud, après une traversée du Sinaï ; ils dressent une carte du site, relèvent le plan de quelques tombes rupestres, L. de Laborde réalisant une trentaine de dessins évocateurs des principaux monuments du site ; le récit de ce voyage est publié à Paris en 1830 dans un grand in-folio remarquablement illustré qui constituera l’ouvrage de référence sur Pétra durant tout le XIXe siècle. Dans l’esprit de la campagne d’Égypte (1798-1801), les voyageurs recueillent de nombreuses informations sur la faune et à la flore de l’Arabie Pétrée, constituant même une collection de plantes ; elle fut publiée dès 1833 par Alire Raffeneau-Delile (1778–1850), éminent botaniste qui avait pris part à l’expédition de Bonaparte 35 ans plus tôt et publié en 1813 une Flore d’Égypte.
Plan de la ville de Petra et de ses environs. L. de Laborde. 1729
Le futur émirat de Transjordanie (1920-1936), appartenant à cette époque à la Syrie ottomane, apparaît également dans un récit du voyage effectué en 1826 depuis l’Asie Mineure par L. de Laborde et son père, d’Antioche à Jérusalem, en passant par Palmyre. Est ainsi publiée en 1837 une description illustrée des ruines de Jérash et d’Amman, l’actuelle capitale du royaume. La région, située en marge des grands centres intellectuels du Levant, ne fait pas l’objet d’explorations systématiques dans le courant du XIXe siècle mais sa proximité avec la Terre Sainte favorise toutefois la présence de visiteurs. Ceci est particulièrement vrai de la Mer Morte, précocement explorée ou des sites archéologiques du plateau transjordanien qui la domine. C’est ainsi que le palais hellénistique d’Hyrcan à Iraq el-Amir est visité en 1862 par Melchior de Vogüé puis en 1863 par Félicien de Saulcy qui en fait dresser un premier plan, ceux de la citadelle d’Amman et du site de Hesban étant réalisés lors de ce même voyage durant lequel furent également visités les vestiges byzantins de Madaba et du Mont Nébô.
En 1867, Ernest Renan prit l’initiative de créer, sous l’égide de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres (Paris), le Corpus Inscriptionum Semiticarum (C.I.S.), collection destinée à réunir l’ensemble des inscriptions phéniciennes, puniques et néo-puniques, araméennes, palmyréniennes, nabatéennes, hébraïques et sud-arabiques antiques. Cette initiative qui fixa à Paris une recherche orientaliste à l’époque partagée entre plusieurs savants européens (e.g. l’allemand Jules Euting, le britannique Charles Doughty…), soutint l’émergence d’une école philologique française dans ce domaine linguistique, école toujours vivante aujourd’hui.
La fondation en 1890 de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem par le Père dominicain Marie-Joseph Lagrange (1855-1938) constitue une étape fondamentale dans le développement de la recherche française en Transjordanie ; elle fut l’occasion de nouvelles explorations philologiques, archéologiques et ethnologiques, recourant désormais à la photographie. L’EBAF conserve ainsi, à côté d’une des plus remarquables bibliothèques du Levant, une exceptionnelle collection de quelques 15000 à 18000 plaques de verre remontant à ces travaux pionniers, près des trois quarts des clichés ayant été l’œuvre des Pères Antonin Jaussen (1871-1962) et Raphaël Savignac (1874-1951). Ces explorations, qui nous livrent un témoignage exceptionnel sur la reprise en main de la région par les autorités ottomanes à la fin du XIXe siècle, sur sa colonisation par des communautés caucasiennes et sa modernisation progressive à l’époque du mandat britannique, ont également tiré le meilleur parti de la construction par les autorités ottomanes du chemin de fer du Hejaz, facilitant d’autant la circulation des savants et l’accès à des sites jusqu’alors difficilement accessibles.