La Grande émigration (XIXe)
La Grande Émigration fait suite à la défaite de l’Insurrection de Novembre (1830-1831). Cette émigration politique est appelée « la Grande » en raison de son ampleur mais aussi pour souligner le rôle culturel et politique majeur qu’elle a joué dans l’histoire de la Pologne et de la France. Les soulèvements de 1848 et 1863 entraîneront de nouvelles arrivées de réfugiés.
Le Royaume du Congrès et Insurrection de Novembre 1830
Après le Congrès de Vienne (1815), le Royaume de Pologne, ou Royaume du Congrès, succède au Duché de Varsovie. Le tsar est le souverain de cet état doté d’une certaine autonomie. Le non-respect de la Constitution de 1815 est à l’origine d’un soulèvement malheureux marqué par d’âpres et sanglants combats. Pourchassés, déchus de leurs droits civiques et privés de leurs biens, les insurgés sont contraints à l’exil.
L’Insurrection de Janvier 1863
L’intensification de la russification et la répression des aspirations nationales sont à l’origine de cette insurrection qui débute Le 22 janvier 1863. La victoire russe, dans le courant de 1864, s’accompagne de la suppression presque complète de l’autonomie polonaise, d’exécutions, de déportations et de confiscations. Une vague de réfugiés gagne la France. Nombre d’entre eux participeront, dans les rangs de l’armée française, à la guerre de 1870.
Les Polonais à Paris et en France
Malgré les difficultés et des clivages d’ordre politique, économique et social, la Grande Émigration est à l’origine d’une vie culturelle et intellectuelle intense et tisse de multiples liens avec les milieux littéraires et artistiques français. Associations, écoles polonaises, bibliothèques, imprimeries, librairies et paroisses voient le jour. Cette activité patriotique et diplomatique rappelle aux pays d’Europe occidentale l’actualité de la question polonaise.
Hôtel Lambert
Après l’Insurrection de 1830, le richissime et puissant prince Adam Jerzy Czartoryski rejoint Paris et consacre sa vie à la cause polonaise. En 1843, sa famille acquiert l’Hôtel Lambert, sur l’Île Saint-Louis à Paris, qui devient le centre de l’activité du camp libéral-aristocratique de l’émigration polonaise et d’une vie culturelle où se croisent artistes polonais et français tels Frédéric Chopin, Franz Liszt, Adam Mickiewicz, Zygmunt Krasiński, Eugène Delacroix, George Sand. Chopin compose nombre de ses oeuvres à l’occasion du grand bal annuel.
Société historique et littéraire polonaise
Fondée en 1832, cette société a pour vocation de plaider la « cause polonaise » dans la presse française, anglaise, italienne et polonaise et les grandes figures de l’émigration tels Adam Jerzy Czartoryski, Ludwik Plater, Adam Mickiewicz, Joachim Lelewel, Frédéric Chopin, Juliusz Słowacki, Karol Kniaziewicz comptent parmi ses membres.
Bibliothèque Polonaise de Paris
Créée en 1838, par des patriotes polonais dont Adam Jerzy Czartoryski, Julian Ursyn Niemcewicz et Adam Mickiewicz, cette bibliothèque, la plus importante institution culturelle à l’étranger de cette nation sans état, s’installe 6, quai d’Orléans sur l’Ile Saint-Louis, en 1853, grâce aux fonds d’émigrés polonais. Ce haut lieu de la Grande Émigration reste incontournable pour ceux qui s’intéressent à la Pologne et abrite dans ses murs trois musées : Mickiewicz, Biegas et le salon Chopin.
Cimetière polonais de Montmorency
Ce cimetière devient le Panthéon des Polonais célèbres morts en France parmi eux le général Karol Kniaziewicz, le poète et homme politique Julian Ursyn Niemcewicz, le sculpteur Bolesław Biegas ou l’artiste Olga Boznańska. Les tombes familiales côtoient les caveaux des associations polonaises ornés de plaques commémoratives. Adam Mickiewicz y est inhumé avant le transfert de ses cendres à la crypte de la cathédrale de Wawel à Cracovie en 1890.
« École des Batignolles » (École nationale polonaise de Paris)
Le désir de transmettre la langue et la culture polonaises à une jeunesse née en France, et souvent dans des familles franco-polonaises conduit à sa fondation en 1842. L’école quitte Châtillon-sous-Bagneux pour le Boulevard des Batignolles à Paris en 1844. Les grandes figures de l’émigration contribuent à l’atmosphère et à la qualité de l’enseignement bilingue de cette école reconnue d’utilité publique. L’uniforme est agrémenté de symboles nationaux. Depuis 1874, elle se trouve rue Lamandé dans le XVIIème arrondissement.
Institut de jeunes filles polonaises
La princesse Anna Czartoryska, épouse du prince Adam Czartoryski, crée en 1844 l’Institut de jeunes filles polonaises (Instytut Panien Polskich) sur le modèle des Demoiselles de Saint-Cyr dans un corps de bâtiment de l’Hôtel Lambert. L’on y dispense, dans une atmosphère familiale, une éducation aux jeunes filles polonaises peu fortunées, en les préparant au baccalauréat de la Sorbonne puis à la carrière d’institutrice. L’institut a fonctionné jusqu’à 1899.
Institut Saint Casimir, rue du Chevaleret, Paris
L’institut est fondé à l’initiative de la princesse Anna Czartoryska et de la soeur Teofila Mikułowska des Filles de la Charité de la province de Varsovie. Dirigé par les soeurs de la Charité, il devient l’asile des orphelins des émigrés, des anciens combattants et des émigrés pauvres. L’Œuvre de Saint Casimir, fondée en 1846, trouve définitivement sa place rue du Chevaleret en 1861, grâce à un don de la comtesse Xawera Grocholska. Le grand poète polonais Cyprian Kamil Norwid y a vécu les six dernières années de sa vie.
Amis français de la Pologne
Le peuple français a soutenu le peuple polonais dans les moments les plus dramatiques de son histoire. Ce fut particulièrement vrai au XIXe siècle mais déjà, un siècle plus tôt, le comte breton de Plélo perdit la vie à Gdańsk en défendant le roi Stanislas Leszczyński contre les Russes. L’insurrection de novembre 1830 provoqua l’enthousiasme et un immense élan de solidarité du peuple français aussi bien à Paris que dans les villes et villages de province. De nombreux Français s’engagèrent activement dans la défense de la cause polonaise. Certains par la plume, d’autres en s’investissant dans des comités d’aide. Le marquis de la Fayette, cofondateur du Comité Franco-Polonais, affirmait «Toute la France est polonaise», exprimant ainsi le sentiment largement partagé par la population française.
Publié en août 2017
Légende de l'illustration : Réception des Généraux Ramozino, Langermann et Sznayde, au Pont du Rhin, le 4 décembre 1831. J. Jundt. 1831