Égypte

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L’Expédition d’Égypte offre un point d’ancrage dans la construction de l’archéologie égyptienne qui se développe sous une forte influence française : déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion, direction du Service des Antiquités de l’Égypte entre 1858 et 1952, création d’une école scientifique basée au Caire en 1880, le futur Institut français d’archéologie orientale.

Durant les XVIe et XVIIe s., les pèlerins, marchands et voyageurs reviennent d’Orient et d’Égypte, la terre des pharaons mentionnée dans la Bible[1], avec des récits plus ou moins féériques et des curiosités, des momies, des objets inscrits en hiéroglyphes. L’Égypte pour les Français est aussi une des « Échelles du Levant », avec la présence d’une petite colonie depuis le XVIe s. Les liens avec les membres de l’Échelle d’Égypte, des capitaines de navire, des curieux-voyageurs suivis d’explorateurs mandatés par le pouvoir royal permettent la formation de plusieurs collections. Cependant jusqu’au XVIIIe s., l’Égypte reste une Égypte des cabinets (par exemple les collections de Foucault et de Caylus).

L’Expédition d’Égypte marque un point de départ dans la construction de l’archéologie égyptienne. Elle pose les fondations d’une discipline qui n’existe pas encore[2], par sa cartographie et son repérage de sites, par les notes collectées[3] mais aussi par ses conséquences politiques. L’influence française dans la naissance des institutions archéologiques égyptiennes, à l’invitation de Mohammed Ali, peut y être indirectement rattachée.

Les collections d'antiquités égyptiennes de la Bibliothèque nationale de France comprennent des papyri et des objets provenant ou repérés lors de l'Expédition, comme le Livre des Morts de Ouahibrê et le Papyrus Cadet, le zodiaque de Dendara[4], ou encore les antiquités ramenées par l'expédition de Cailliaud, entreprise dans la lignée de celle des savants de Bonaparte.

Livre des Morts de Padiamonnebnésouttaouy connu sous le nom de "Papyrus Cadet"

Livre des Morts de Padiamonnebnésouttaouy connu sous le nom de "Papyrus Cadet". Egyptien 18

L'archéologie égyptienne s'affirme en France avec l'enrichissement des collections nationales et la création d'une section égyptienne au Musée du Louvre. Champollion en prend la tête en 1827 et propose son aménagement dans une muséographie révolutionnaire par son approche scientifique et typologique. Il œuvre aussi pour le don de l'obélisque de Louqsor. À l'issue de l'Expédition franco-toscane, Champollion, accompagné de Rossellini et de Nestor l'Hôte, rédige un mémoire pour attirer l’attention sur les démolitions et suggère de réglementer les fouilles, requête également formulée par Rifaa el-Tahtawi.

En 1829, Émile Prisse d'Avennes est appointé ingénieur civil auprès de Mohammed Ali. Il entreprend des études et une collecte d'objets et de motifs antiques et de l’art arabe, dont des papyrus aujourd’hui conservés à la BnF.

En 1850, Auguste Mariette, suite à l'échec de sa mission pour recueillir des manuscrits coptes et syriaques, monte une expédition archéologique à Saqqara, où il exhume le Serapeum. Saïd Pacha le nomme en 1858 premier directeur du Service des Antiquités égyptiennes. Il fait ouvrir une trentaine de chantiers de fouilles dont Abydos, Tanis, Médinet-Habou, et met en place en 1863 un musée ouvert au public à Boulaq. En 1880, la France s'inquiétant de la santé de Mariette et de la possibilité que le poste de directeur des Antiquités ne revienne pas à un Français, décide d'asseoir l'influence française dans le champ de l'archéologie, dans un contexte de concurrence avec les Anglais, notamment avec W. Fl. Petrie (1853-1942)[5], et les Allemands, tels K.R. Lepsius (1810-1884) et H. Brugsch (1827-1894). Jules Ferry confie donc à Gaston Maspero le soin de penser une école scientifique orientale basée au Caire, le futur Institut français d'archéologie orientale. Maspero prend la relève de Mariette et ouvre les fouilles à la coopération internationale. Il renforce la protection des Antiquités et responsabilise les missions de fouilles à travers une nouvelle loi publiée en 1912. Il tente de sensibiliser l’Europe à la menace que le barrage d’Assouan construit en 1898 fait peser sur le temple de Philae et les monuments de la région. Il continue les explorations archéologiques, notamment à Deir el-Bahari, Edfou et Abydos. À Saqqara, ses fouilles dans les pyramides royales conduisent à la découverte des Textes des Pyramides, publiés en 1894.

Entre temps, en 1892, Jacques de Morgan devenu directeur des Antiquités met au jour la Préhistoire égyptienne, dépassant les découvertes de Petrie dans ce domaine.

À côté de l’archéologie pharaonique, Maspero pousse à investir les sites témoignant de la période byzantine et des vestiges laissés par les premiers Chrétiens d’Égypte, les Coptes, comme à Antinoé avec les travaux d’Albert Gayet (1898-1908), à Baouît, ou encore les monastères, dont les relevés des peintures murales sont effectués plus tard, à partir de 1969, par Pierre Laferrière.

En 1904, la Société française de fouilles archéologiques, fondée par le directeur du Cabinet des Médailles E. Babelon, regroupe des financements privés et soutient des fouilles en Égypte. Elle finance les travaux d’A. Gayet, d’A. Reinach et R. Weill à Coptos, de l’IFAO dans la région thébaine. Le musée du Louvre à travers G. Bénédite s’associe à l’IFAO pour entreprendre des fouilles, notamment sur les sites de Medamoud (1925-1933) et de Tôd (1933-1950).

La fin du XIXe s. et le début du XXe s. sont marqués par de grandes découvertes : le trésor des princesses de Dahchour par de Morgan en 1895, la cour de la cachette de Karnak par Georges Legrain (1903-1907), livrant des dizaines de milliers d’objets, la découverte de la tombe de Toutânkhamon par le britannique Howard Carter en 1922 ou encore les trésors royaux de Tanis par Pierre Montet en 1939.

En 1953, après près d’un siècle de direction française, le Service est désormais géré par des directeurs égyptiens.


[1] Elle y est citée à 680 reprises selon R. Solé, L’Égypte, une passion française, 1997, p. 27.

[2] L’apparition du terme « égyptologues » peut être située en 1827 et celui d’ « égyptologie » encore plus tard. La chaire du Collège de France tenue par Champollion est une chaire d’archéologie orientale, la chaire de philologie et d’archéologie égyptienne n’est décrétée que le 8 février 1860 (S. Aufrère, Autour de l'émergence de l'Égyptologie, 2017, p. 29).

[3] On n’est pas sans ignorer le rôle essentiel joué par la Pierre de Rosette dans le déchiffrement des hiéroglyphes et l’apport capital de J.-Fr. Champollion pour l’établissement de cette discipline.

[4] Il est actuellement déposé au Musée du Louvre, comme la plus grande partie du lapidaire égyptien du Cabinet des Médailles.

[5] Il crée l’Egypt Exploration Society à Londres en 1883 et en 1894 l’Egyptian Research Account (future British School of Archaeology in Egypt).

De Abydos à Baouit

Abydos - Alexandrie - Antinoé - Baouit

De Karnak à Memphis

Karnak - Kôm Ombo - Koptos - Louqsor - Médamoud - Memphis

De Philae à Thèbes

Philae - Saqqara - Tanis - Thèbes

L’Archéologie française en Égypte (1798-1953)

Service des Antiquités

Voyages et notes d'égyptologues

De Deir-el-Bahari à Gizeh

Al-Fustât - Deir-el-Bahari - Denderah - Edfou - El-Kab - Gizeh

Musées et collections