Jaïnisme

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Ce sont les Jina ou « Vainqueurs » dont la religion tire son nom, tandis que ses adeptes sont les « jaina », ou, en graphie francisée les « jaïns ».

Comme les autres religions nées sur le sol indien, le jaïnisme considère que les êtres vivants sont pris dans le monde des transmigrations (saṃsāra) qui les amène à mourir et renaître, liés qu’ils sont par les effets de leurs actes passés (karma). Le but ultime est de parvenir à la délivrance (mokṣa), qui seule mettra fin à ce cycle infernal. Mais le jaïnisme rejette l’autorité d’une quelconque révélation, représentée dans l’hindouisme par les Veda, ainsi que l’idée d’un dieu créateur. Le modèle qu’il considère comme son idéal est celui d’êtres humains, incarnations parfaites de l’ascétisme et maîtres sources uniques de l’enseignement. Ce sont les Jina ou « Vainqueurs » dont la religion tire son nom, tandis que ses adeptes sont les « jaina », ou, en graphie francisée les « jaïns ». L’enseignement, d’abord oral, a donné naissance à une tradition manuscrite multilingue et multiforme qui nourrit la prédication destinée à des publics variés.

Son maître principal est Mahāvīra qui vécut aux VIe-Ve s. avant notre ère. Né dans une famille princière, il choisit de quitter la vie dans le siècle pour le renoncement, parvient progressivement à l’Omniscience, et s’entoure de disciples qui promulguent son enseignement. Depuis, le jaïnisme est vivant en Inde avec quelques millions d’adeptes (soit 0,5% de la population totale) et une diaspora active en particulier dans les pays anglo-saxons. Les jaïns ont toujours été minoritaires au sein de la société indienne. En particulier, ils ont vécu et vivent quotidiennement au contact des hindous, au point que certains jaïns ne se présentent pas comme tels lors des recensements. Mais le rôle social et économique qu’ils ont joué et continuent à jouer dans certaines régions de l’Inde (nord de l’Inde, Gujarat, Rajasthan, Madhya Pradesh, Karnatak) a fait d’eux des élites influentes. Des complexes de temples à l’architecture élaborée sont l’un des signes visibles de leur présence sur le territoire (Shatrunjaya, Shravana Belgola, Mont Abu, Ranakpur, etc.).

Depuis que le jaïnisme existe en tant que mouvement organisé, il propose aux humains deux modèles de vie : celui des « fidèles laïcs », hommes et femmes (śrāvaka et śrāvikā) qui vivent en société, avec profession et famille, tout en respectant les principes et pratiques édictés à leur intention, et celui de renonçant, moines et des nonnes (sādhu et sādhvī), qui « ont quitté la maison » (environ 1200 aujourd’hui). Après l’acte fondateur de l’ordination ou initiation (dīkṣā), ils rejoignent la vie collective d’ordres monastiques, itinérants sauf pendant la mousson. Fidèles et religieux forment « la quadruple communauté » (caturvidhasaṃgha).  Les uns et les autres sont étroitement soudés et interdépendants. Les premiers subviennent aux besoins des seconds, qui quêtent quotidiennement leur nourriture et, dans une relation d’échange, dispensent l’enseignement et les conseils. Idéal ultime, car elle implique en principe l’abandon des liens et des biens, la vie monastique n’est pas accessible à tous en raison de ses difficultés ; mais la vie de fidèle jaïn est tout aussi cruciale à la survie de la tradition.

La tradition jaïne est connue avant tout pour son analyse particulièrement fine du vivant : elle classe les êtres en fonction du nombre de leurs facultés sensorielles, de un à cinq, et inclut donc parmi eux les corps terrestres, aqueux, ignés et aériens, les végétaux. Cette conception justifie la non-violence (ahiṃsā) et a pour conséquence principale la pratique d’un strict végétarianisme.

Présent sur une aussi longue période et dans des lieux aussi différents que le Gujarat et le Karnatak, le jaïnisme ne pouvait rester un mouvement monolithique. Il est traversé de divisions sectaires, de réformes et d’innovations multiples. La division la plus ancienne est celle qui, graduellement, a conduit à la séparation entre śvetāmbara et digambara (avérée au Ve s. de notre ère). Les noms des deux groupes soulignent le point autour duquel se cristallise l’opposition, relative à la tenue des religieux : les premiers sont « vêtus de blancs », les seconds « vêtus d’espace » (digambara), c’est-à-dire nus. Nudité équivaut à détachement total. Or il est exclu qu’une femme aille nue. Selon les digambara, on ne peut donc obtenir la délivrance du cycle des renaissance en tant que femme. D’autre part, śvetāmbara et digambara ne reconnaissent pas l’autorité des mêmes écritures. Autant de différences théoriques qui, sans empêcher que les uns et les autres se disent jaïns, expliquent des rapports parfois conflictuels. Au sein des śvetāmbara et des digambara eux-mêmes, on voit naître, depuis l’époque médiévale (XIIe s.), de nombreuses subdivisions. Dans le champ de la pratique religieuse, la principale différence de point de vue tient au rôle qu’on assigne ou non à l’image. Même si les Jina ne sont pas des dieux au sens où on l’entend habituellement, ils sont l’objet du respect et de la dévotion des fidèles (pūjā) dans les temples qui leur sont consacrés.  Représentés assis en position de méditation ou debout les bras le long du corps, le plus souvent sculptés dans le marbre, ils occupent la cella du temple, nus et dépouillés parmi les digambara, parés d’ornements d’or et d’argent parmi les śvetāmbara dits Mūrtipūjak. On utilise ce dernier terme pour les différencier d’un autre groupe, les Sthānakavāsin, qui, depuis les XVe-XVIe siècles, s’est élevé contre le culte des images, prône une dévotion intérieure et sans support visuel et, en conséquence, refuse l’institution du temple en tant que telle.

 

Publié en janvier 2022

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