L’enseignement du français en Inde

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Le développement de la francophilie et de la francophonie en Inde participe du mouvement pour la participation au récit de la nation dans le contexte de la domination britannique.

Le développement de la francophilie et de la francophonie en Inde participe du mouvement pour la participation au récit de la nation dans le contexte de la domination britannique, ce qui explique les tentatives du Raj pour freiner le développement du français en Inde. Dès 1879 paraît d’ailleurs Le Journal de La Demoiselle d’Arvers, roman posthume de Toru Dutt, très jeune romancière du Bengale.

Tout d’abord enseigné au Bengale, la langue française se développe ensuite dans la région de Bombay, à partir des années 1870. Le père Pedraza, professeur espagnol est à l’origine de l’introduction de l’enseignement du français dans les high schools, puis au sein de l’université de Bombay, dans les années 1870, qui soutient un courant francophile aboutissant en 1886 à la création du Cercle Littéraire de Bombay, animé par les élites parsies.

Premiers pas du français dans le système éducatif britannique

A partir des années 1870, le français s’implante et se développe dans le système éducatif mis en place par les autorités anglaises, mais sa reconnaissance officielle doit encore être acquise. En 1875, deux élèves de la Scottish High School, école écossaise réservée aux Européens et aux métis, présentent le français à l’examen de Matriculation à l’université de Bombay. C’est le premier exemple avéré d’élèves présentant le français à cet examen. La faculté des Arts de l’université de Bombay soumet alors une proposition visant à l’inscription de la langue française parmi les secondes langues pour les examens de post-admission qui reçoit le soutien du syndicat de l’université.

C’est seulement en avril 1886 que le sénat de l’université entérine cette proposition. Le gouvernement de Bombay approuve à son tour la proposition et l’entérine au titre de la résolution N° 1073 datée du 12 juillet. La résolution qui insistait, en première instance, sur l’intérêt particulier de cet enseignement pour les femmes, abandonne finalement toute mention discriminatoire.

Admission du français aux examens de B.A. : deux étudiantes parsies contre le Sénat

En 1886, le français est intégré aux cours de post-admission à l’université. Pourtant, s’il est reconnu pour les cours, il n’est pas reconnu pour les examens post-admission. Cette situation contradictoire est l’expression de la réticence des autorités britanniques à normaliser la diffusion du français parmi les élites indiennes. On le retrouve toutefois aux examens de B.A. à l’université de Calcutta, en 1893, et signalé à l’université de Madras aux mêmes examens en 1902.

Le temps du développement (1894-1902)

Au tournant du XXe siècle, le développement de l’enseignement du français en Inde est attesté par des chiffres communiqués en 1901. Ainsi, à la New High School, qui comprend plus de mille élèves hindous, musulmans, et parsis, 350 élèves étudient le français une heure par jour sous la direction de Pedraza, alors qu’on en signalait que « fort peu » en 1893. Au Wilson College, une soixantaine d’élèves de français se prépare aux diplômes de bachelier ès arts et ès sciences (B.A. et B.Sc.), et de M.A., contre une vingtaine seulement huit ans plus tôt. Toujours en 1901, au St Xavier College, un établissement dirigé par des jésuites allemands qui se refusaient encore à inclure le français à leur programme en 1893, 75 élèves suivent alors son enseignement. Enfin, la prestigieuse et « fort bien fréquentée » Fort and Proprietary High School, dispense à environ 150 élèves des classes de français. Parmi ces quatre établissements, nous pouvons recenser plus de 635 élèves étudiant le français. Ce mouvement de diffusion est endogène. Pour la première fois, le consul de Bombay demande cette année-là un soutien du gouvernement français pour les classes de français dans ces différents établissements et réclame quelques estampes et quelques livres.

Les arguments avancés par la Commission contre le français et leur réfutation

En 1902, la commission Raleigh de réforme des programmes universitaires tente de restreindre l’enseignement du français aux femmes, aux côtés d’autres matières aux vertus trop émancipatrices. Le Cercle littéraire adresse alors au Sénat de l’université de Bombay une lettre-plaidoyer pour que le français reste accessible à tous les étudiants dans les programmes de l’université. Cette lettre ne manque pas de pointer les contradictions qu’implique la décision de la commission : « Le français a été admis depuis longtemps parmi les sujets optionnels pour le Service Civil indien, ceylanais aussi bien qu’anglais ». Le 24 janvier 1903, le comité nommé par le Sénat pour étudier les lettres du gouvernement de Bombay ne valide pas les restrictions contre l’enseignement du français, toutefois le statut du français dans l’enseignement se trouve affaiblit.

Nouvelles menaces : la campagne des jésuites allemands en 1911

Signe de la bonne santé de l’enseignement du français dans le nord-ouest de l’Inde en ce début de XXe siècle, on note l’installation de deux professeurs de français avec celle du professeur Paul Louis Charlier qui s’ajoute à celle de Louis Peltier. À partir de 1910, le premier enseigne au Government High School d’Ahmedabad et à l’Ahmedabad College. Les deux professeurs s’installent avec leur famille dans la ville où ils exercent leur profession. Cette vigueur de l’enseignement du français, dans la présidence de Bombay et les régions proches, ne tarde cependant pas à être mise à mal par de nouveaux assauts des autorités du Raj, mais aussi des jésuites allemands. La nouvelle campagne ne reste pas sans conséquences. Au moment où l’on institue des examens pour le diplôme d’honneur en anglais, sanscrit, latin et persan, le représentant du gouvernement demande que l’on refuse l’institution de ce diplôme pour le français. Le caractère discriminatoire de la politique éducative du Raj est mis en relief par la création en 1911 à Simla de la Société des Amis de la France dans l’Inde britannique, exclusivement réservée aux hauts cadres britanniques et au Maharaja de Kapurthala.

Les élites indiennes en quête d’émancipation n’en accordent pas moins une place importante à la culture et à la langue française, comme par exemple le poète Rabindranath Tagore dans son université de Visva-Bharati où il est enseigné dès sa création en 1921.

 

Publié en janvier 2022

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