Littérature française traduite en polonais
Traductions en polonais de grands ouvrages de la littérature française.
Le 18e siècle
Jusqu'au 18e siècle la réception de la littérature française en Pologne se limitait à une étroite élite liée à la cour royale et à l'aristocratie. La situation changea dans la séconde moitié du 18e siècle, grâce à la connaissance de plus en plus répandue de la langue française parmi les classes cultivées. Pour cette raison, le nombre de traductions publiées à cette époque-là ne fut pas grand. En revanche, on créait moult adaptations des œuvres françaises – c'est principalement le théâtre qui puisait volontiers dans les remaniements des pièces de théâtre écrites par les auteurs français, surtout par Diderot, Molière et Beaumarchais. En 1774 Wojciech Jakubowski (1712-1784) publia une sélection de fables de Jean de La Fontaine, dans sa propre traduction. Entre les œuvres prosaïques on publia, par exemple, les traductions de Manon Lescaut d'Antoine François Prévost (1769) ou de Paul et Virginie de Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre (1793).
En Pologne, les Lumières étaient en grande partie influencées et formées par les idées françaises, notamment par les intellectuels provenant du milieu des Encyclopédistes. Parmi les auteurs populaires en Pologne il y avait, entre autres, les philosophes et les théoriciens de la politique, comme Voltaire ou Montesquieu, dont les Lettres persanes ont été traduites en 1778 par Tomasz Kajetan Węgierski (1756-1787). Également, on doit à Węgierski les traductions de Pygmalion de Jean-Jacques Rousseau et de Bélisaire de Jean-François Marmontel.
Le 19e siècle et la Jeune Pologne
Au 19e siècle, de nombreuses traductions de la littérature française parurent en Pologne. Euzebiusz Słowacki (1772/73-1814), le père de Juliusz Słowacki (1809-1849), sauf les traductions des classiques latins, traduisit aussi La Henriade de Voltaire et Andromaque et Iphigénie de Racine. Adam Mickiewicz (1798-1855) rendit en polonais des œuvres de Voltaire et de La Fontaine. Dès les années 1830 les romanciers français, comme Alexandre Dumas père, Jules Verne, Honoré de Balzac ou Stendhal, bénéficiaient d'une grande popularité en Pologne. En 1898 Maria Konopnicka (1842-1910) et Włodzimierz Zagórski (1834-1902) traduisirent Cyrano de Bergerac, une comédie célèbre d'Edmond Rostand. Wiktor Gomulicki (1848-1919), un écrivain important de l'époque du positivisme polonais, traduisit des ouvrages de Victor Hugo et d'Alfred de Musset. Il faut aussi mentionner Henryk Sienkiewicz (1846-1916), l'un des plus illustres auteurs polonais de cette époque, qui traduisit, à son tour, des œuvres d'Alfred Daudet.
Dans la période de la Jeune Pologne (Młoda Polska), la littérature française contemporaine, particulièrement la poésie symboliste, exerçait une grande influence sur la forme ainsi que sur les motifs et les sujets employés par les prosateurs et les poètes polonais. Edward Porębowicz (1862-1937), romaniste, traducteur et poète, fut l'un des personnages importants dans le domaine de la traduction et de la popularisation de la littérature française en Pologne. C'est lui qui presenta la poésie provençale aux lecteurs polonais. En 1894 la poète Zofia Trzeszczkowska (1847-1911), qui se cachait sous le pseudonyme masculin Adam M-ski, traduisit, avec Antoni Lange, les Fleurs du mal de Charles Baudelaire. Franciszek Mirandola (1871-1930) traduisait les symbolistes français, tandis que Gabriela Zapolska (1857-1921), romancière et dramaturge remarquable, transposa dans la langue polonaise quelques pièces de théâtre françaises (p. ex. Boubouroche de Georges Courteline). Le tournant du 20ème siècle fut aussi le temps de la réception intense des naturalistes français, à la tête desquels se trouvait Émile Zola.
L'entre-deux-guerres
Dans la période de l'entre-deux-guerres, la littérature française, surtout la prose, gagna une considerable popularité chez les lecteurs polonais. On imprimait beaucoup de traductions (de qualité variable) des ouvrages des écrivains français tels que Romain Rolland, Anatole France, Georges Duhamel, ou André Gide. En outre, les versions polonaises des pièces de Jean Giraudoux ou de Jean Cocteau (Orphée) parurent.
Le plus fameux et illustre traducteur et propagateur de la littérature française en Pologne d'entre-deux-guerres fut Tadeusz Żeleński, appelé Boy (1874-1941). Boy – médecin par formation, écrivain, poète, essayiste, aussi bien que propagateur de l'éducation sexuelle, la contraception et la maternité consciente par profession et par passion – traduisit plus d'une centaine d'ouvrages, en partant de la littérature du Moyen Âge et de la Renaissance (Le Testament de François Villon ou Gargantua et Pantagruel de Rabelais), à travers les romanciers classiques du 19e siècle (Stendhal, Balzac, Flaubert), jusqu'aux belles-lettres de la première moitié du 20e siècle (Les Caves du Vatican d'André Gide, les premiers cinq tomes d'À la recherche du temps perdu de Marcel Proust). Outre la fiction, Boy traduisait aussi les classiques des sciences humaines et de la philosophie tels que Voltaire, Rousseau, Montesquieu, Diderot et Montaigne. Entre 1917 et 1929 la maison d'édition Gebethner i Spółka publia une collection intitulée Biblioteka Boya (La Bibliothèque de Boy), dans laquelle on fit paraître 97 volumes d'ouvrages littéraires français, tous dans la traduction de Boy-Żeleński. Entre 1930 et 1935 Boy lui-même dirigea une maison d'édition (pareillement appelée Biblioteka Boya), dans laquelle il continua à rapprocher la littérature française des Polonais. Ses mérites au profit de la propagation de la littérature – et de la culture – française en Pologne sont inestimables. Ses traductions servent comme exemple pour les générations suivantes des traducteurs. La traductrice et historienne des idées éminente, Joanna Guze (1917-2009), constata: « Ce que Boy fit, n'a pas d'équivalent dans le monde entier. Il créa la littérature française pour les Polonais. D'une manière parfaite ». Tadeusz Boy-Żeleński reçut le titre de Chevalier de la Légion d'honneur.
Légende de l'image : Kwiaty zła (Les fleurs du Mal). C. Baudelaire, 1927