Les calendriers de Dunhuang

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Les calendriers annuels de Dunhuang sont au carrefour des calendriers de l’antiquité et de la modernité chinoise. Du support de bambou et de bois, ils passent à un support papier ; relativement pauvres en annotations, ils deviennent riches en informations astronomiques et hémérologiques, préfigurant ce qu’ils seront pour les siècles à venir.

Calendriers annuels

L’une des principales caractéristiques des premiers calendriers chinois, en comparaison avec les calendriers européens de l’Antiquité et du Moyen Age, repose sur le fait qu’ils sont annuels : chacun d’entre eux correspond en effet à une année précise alors que l’Europe continuera à diffuser un calendrier perpétuel jusqu’à l’aube de la Renaissance. Mais le revers de cette médaille est la vulnérabilité de ces calendriers qui a priori ont un temps de vie très réduit et doivent rejoindre inéluctablement les poubelles : à quoi bon en effet conserver des écrits dont on a plus l’usage ? Ce sont pourtant des tombes et des fosses qui ont permis de les conserver, les premières parce qu’elles contenaient entre autres la « bibliothèque » du défunt, et les secondes en raison d’une étrange coutume d’ensevelir dans un puits les documents administratifs relevant d’une région, le plus souvent située sur les marges de l’empire chinois. Les premiers calendriers annuels actuellement connus datent ainsi du IIIe siècle AEC. D’abord écrits sur lamelles de bambou et planchettes de bois, ils changeront de support aux alentours du Ve EC avec l’apparition du papier. Le plus grand nombre d’entre eux a été retrouvé dans la région de Turfan, située aux confins occidentaux de la Chine, et sont datés du Ve au VIIe siècle, puis à Dunhuang où ils couvrent la période allant du IXe au Xe siècle. Un maillon essentiel dans cette histoire est le Japon qui a conservé des calendriers, datés du VIIIe siècle et du début du IXe siècle, fortement inspirés des calendriers du Continent. Le changement de support correspond à un saut quantitatif et qualitatif : les informations ayant trait aux paramètres des mois et des jours y sont beaucoup plus nombreuses et l’une des spécificités de ces calendriers, que l’on appelle désormais « calendriers annotés » (juzhu liri), est d’inscrire au jour le jour les activités recommandées, contribuant à mettre en avant leur aspect divinatoire et hémérologique, -- qu’ils ne perdront plus --, tandis que de l’autre côté du monde, c’est le calendrier liturgique qui s’impose. La soixantaine de calendriers de cette époque sont répartis à part presque égale entre la British Library et la Bibliothèque nationale de France qui compte vingt-six calendriers fragmentaires ou complets. Le reste se distribue entre Saint Pétersbourg, Berlin, la Chine, le Japon…

Mise en page, manuscrits et imprimés

La mise en page du calendrier s’organise sur un ou deux niveaux, suivant que les mois sont alignés les uns à la suite des autres ou superposés deux à deux (Pelliot chinois 3248 Ro). Chaque niveau comprend deux ou trois registres (Pelliot chinois 3403 Ro). Quelques-uns sont atypiques en ce qu’ils consistent en des notes calendaires, probablement écrites pour répondre à un besoin spécifique ou destinées à rédiger un calendrier annuel complet, et d’autres parce qu’il s’agit en réalité d’almanachs, qui combinent le calendrier de l’année et la présentation de méthodes divinatoires diverses mais qui, selon toute vraisemblance, n’ont pas été produits à Dunhuang. Il n’est d’ailleurs pas anodin de remarquer que ces produits importés ne sont pas des manuscrits, comme le sont tous les calendriers de Dunhuang, mais des imprimés, plus précisément des xylographes. Le plus ancien, fragmentaire, est daté de 834 (Dh 2880), et le plus célèbre mentionne la date de 877 (Or.8210/P.6 Ro). Des éléments visuels apparaissent sur ces calendriers, notamment le diagramme dénommé Diagramme des neuf palais couleur qui se prononce pour l’année en cours sur les qualités bonnes ou mauvaises des différentes directions (Pelliot chinois 3403 Ro), ainsi que des dessins, certes beaucoup plus rares, comme par exemples celui des douze animaux cycliques (Or.8210/S.612) ou des scènes de prières adressées à la divinité de l’année Taisui (le contre part de Jupiter) et à l’animal de l’année (en l’occurrence le Singe) afin d’en obtenir protection et longue vie (Or.8210/S.2404).

Auteurs et copistes, fonctionnaires et devins

Contrairement à ses prédécesseurs, les calendriers de Dunhuang ne sont pas muets quant à ceux qui les produisirent. Une dizaine de noms de copistes ou d’auteurs sont en effet mentionnés et, parmi eux, le plus actif et le plus célèbre, s’appelle Zhai Fengda. Grâce à sa biographie, nous savons désormais que l’apprentissage des techniques calendaires allait de pair avec l’étude de diverses méthodes divinatoires, dont l’enseignement était dispensé dans l’école préfectorale de Dunhuang. De surcroit, une telle formation, couplée avec d’autres indices (décalage des jours, retard des noms d’ères), ne laisse aucun doute sur le fait que les calendriers étaient élaborés localement, et qu’ils n’étaient plus de simples copies d’exemplaires venus du gouvernement central, ainsi que l’imposaient les règlements impériaux. Zhai, qui occupa des fonctions administratives de plus en plus élevées, avait donc le profil d’un fonctionnaire devin.

Contenus astronomiques et hémérologiques

Les annotations relèvent de l’astronomie et de l’hémérologie. En dehors des périodes solaires, lunaires et phénologiques, de la longueur du jour et de la nuit, de l’orientation du soleil au lever et au coucher, les calendriers ont hérité des Sogdiens, venus de l’Asie centrale, de la semaine planétaire. Signalée notamment par l’inscription en rouge du nom des dimanches (ch. : mi, sog. : mîr), elle disparaîtra dans les calendriers chinois postérieurs. Les activités quotidiennes qu’il convient de faire sont déterminées par des « esprits », des jours, des mois et de l’année, dont la localisation dépend entièrement des paramètres de ces unités de temps. Grosso modo, on peut déduire de ces activités une bonne dizaine de catégories :

1) Activités officielles (prise de fonctions, promotion) ;
2) Soins corporels (prendre un bain, se couper les ongles, se laver et se raser la tête) ;
3) Funérailles (mise en bière, inhumation) ;
4) Travaux domestiques (balayer, arranger le lit, filer, faire des vêtements) ;
5) Activités rituelles (exorcismes, sacrifices) ;
6) Activités médicales (prendre des médicaments, soigner les maladies) ;
7) Travaux agricoles (planter, couper du bois, réparer la meule, ouvrir les canaux, pêcher, chasser) ;
8) Constructions (obturer, réparer, construire, détruire, hisser la poutre faîtière, creuser un puits) ;
9) Mariages ;
10) Instruction (aller à l’école) ;
11) Déplacements (sortir en voyage, déménager) ;
12) Activités commerçantes (rassembler les biens, vendre des esclaves, des animaux domestiques) ;
13) Affaires militaires, uniquement dans les préfaces (ne pas faire sortir l’armée, ne pas attaquer) ;
14) Divertissements, uniquement dans les préfaces (réunir des hôtes, banqueter, jouer de la musique).

Les activités les plus représentées sont celles concernant les constructions et les rituels, viennent ensuite de très près les funérailles, puis les travaux domestiques et les activités médicales. Sur ce dernier type d’activités, en dehors de ces notations, apparaissent à partir du Xe siècle dans un registre à part entière (le plus souvent le registre placé dans la partie inférieure du calendrier), deux méthodes divinatoires qui pour la première (renshen, localisation de l’esprit de l’homme dans son corps) indique en fonction des jours les endroits du corps où on ne peut pratiquer ni l’acuponcture, ni la moxibustion, et pour la seconde (riyou, localisation du transfert de l’esprit du jour) les directions dans lesquelles on ne peut pas accoucher (Pelliot chinois 2705).

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