Yuanmingyuan - les 40 vues du jardin de la clarté parfaite

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« Jardin de la Clarté parfaite », le Yuanming yuan fut considéré, dès sa création au XVIIIe siècle, comme l’exemple le plus accompli des jardins impériaux chinois, qui, loin de n’être qu’un espace d’agrément, se veulent un microcosme, évocation du monde et - ici tout particulièrement - de l’empire.

La légende raconte que depuis une de ses terrasses, le vieil empereur Kangxi, venu admirer les pivoines en fleurs, remarqua la vigueur d’un de ses petits-fils et décida que cet enfant serait un jour empereur. L’enfant grandit et, quelques années plus tard, régna sous le nom de Qianlong. Tout comme son père et son grand-père, il aimait cette immense villégiature, où il pouvait échapper à la chaleur étouffante de la Cité interdite et ordonna, en 1738, la réalisation d’un ensemble de peintures sur soie, représentant quarante sites du jardin qu’il avait lui-même sélectionnés. Présentés à l’empereur en 1747, ces tableaux, qui inscrivent des représentations architecturales et botaniques d’une étourdissante précision dans des paysages pleins de poésie, constituent, accompagnés de calligraphies de poèmes dus à Qianlong lui-même, l’album des « Quarante scènes du Yuanming Yuan.

C’est à Wang Youdun (1692-1758), ministre des Travaux publics, que l’empereur confia le soin de calligraphier ses poèmes. Deux peintres de l’atelier impérial Ruyi guan se partagèrent la réalisation des scènes : tandis que Shen Yuan (actif vers 1740) était chargé plus particulièrement de restituer, dans leur moindre détail, les pavillons et les plantations du domaine, Tang Dai (1673-1752) mit au service de l’entreprise son talent de peintre de paysage. Jiehua (représentation des réalisations humaines) et shanshui (image des éléments naturels composant les paysages), deux styles caractéristiques de la peinture chinoise, se trouvent ainsi mêlés. Les spécialistes décèlent également dans ces tableaux l’influence de la technique picturale occidentale, que les Jésuites, très présents à la cour de Qianlong, entreprirent, dès le XVIIe siècle, de faire découvrir aux lettrés chinois. Les quarante doubles feuillets répartis à l’origine en deux volumes, enserrés chacun entre deux ais de palissandre, sont aujourd’hui réunis en un unique ensemble et seuls deux plats de bois sont parvenus jusqu’à nous.

Le jardin de la clarté parfaite disparut dans la destruction du Palais d’été de Pékin par les troupes franco-britanniques en 1860 et les « Quarante scènes » en demeurent le témoignage le plus fidèle et le plus spectaculaire, connu et reproduit en Occident dès le dernier quart du XVIIIe siècle. Soustrait aux collections du Palais d’été par un militaire français, l’album fut acquis en 1862, auprès d’un libraire parisien, par la Bibliothèque alors impériale. Il rejoignit les collections extrême-orientales du Cabinet des Estampes dont il devint l’un des fleurons. « […] un songe avec du marbre, du jade, du bronze, de la porcelaine, […], des jardins, des bassins, des jaillissements d’eau et d’écume, des cygnes, des ibis, des paons, […]» : c’est ainsi que Victor Hugo décrit, en 1861, l’ancien Palais d’été de Pékin dans une célèbre lettre où il condamne avec lyrisme et vigueur la destruction de ce chef d’œuvre et c’est bien tel que nous apparaît le Yuanming yuan, au fil de ces « Quarante scènes ».

L’album a fait l’objet en 2015 d’un fac-simile, réalisé, en collaboration avec la Bibliothèque nationale de France, par les éditions chinoises Shanghai Far East publishers.

Bibliographie :

Che Bing Chiu, Yuanming yuan : le jardin de la Clarté parfaite, Paris, Ed. de l’imprimeur, 2000

Chine : l'empire du trait : calligraphies et dessins du Ve au XIXe siècle : [exposition, Paris, Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 16 mars-20 juin 2004], Paris, Bibliothèque nationale de France, 2004, n°133

 

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