Presse francophone dans l'Empire ottoman

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Ce corpus des publications périodiques de plus de 100 titres au tournant du XXème siècle est un parfait témoin de la transformation de la société ottomane qui s'éveille à des notions de modernisme ressentis de l'intérieur et inspirées de l'extérieur.

Tout le long du XIXe et au tournant du XXesiècle, le français a servi de moyen de communication à Constantinople, Salonique, Smyrne, Beyrouth et dans la plupart des villes de la Méditerranée orientale où le commerce et les échanges étaient florissants. La langue française s’est installée dans les institutions nouvellement créées dans le sillage des réformes et une communauté francophone, tant française, que levantine ou ottomane, a vu le jour. Comme l’a écrit Gustave Couturier, propriétaire du Journal de Constantinople,  la langue française constituait à ses yeux un terrain neutre « où l’on puisse se rencontrer sans crainte, une sorte de monnaie commune, [...] pour échanger les connaissances de l’Orient contre celles de l’Occident».                 

A compter de 1795, date à laquelle le premier journal voit le jour, plus de 700 titres de périodiques entièrement ou partiellement écrits en langue française sont publiés dans l’aire ottomane. Ce chiffre est le fruit du travail de G. Groc et İ. Çağlar, qui ont recensé la presse francophone en Turquie entre 1839 et 1980. Environ 400 titres ont été publiés pendant la période ottomane. Les auteurs n’ont pu accéder qu’à 234 titres conservés dans les bibliothèques, les autres étant cités dans des livres, des revues ou dans des annonces de journaux. Ce recensement correspond à tout le territoire ottoman, y compris l’Egypte, qui à elle seule compte 131 titres. La presse des opposants, en exil au temps du sultan Abdulhamid II, et celle des Jeunes-Turcs font aussi partie de ces titres. Pour l’époque ottomane, les deux tiers des titres de ce catalogue sont entièrement en français, le reste étant publié dans des éditions bilingues voire multilingues dans lesquelles le français côtoie le turc, l’anglais, l’arabe, l’arménien, l’allemand, l’hébreu, le bulgare, le russe ou encore le syriaque.                   

La presse ottomane francophone désigne avant tout la presse des industriels et commerçants français entretenant des intérêts en Orient et par conséquent des rapports étroits avec l’Empire ottoman. L’Annuaire oriental (Constantinople, 1880-1929), en témoigne de manière éclatante avec ses milliers de pages d'information et d'annonces par numéro.  Par ailleurs, elle renvoie à une presse, publiée dans les frontières de l’actuelle Turquie (notamment à Istanbul et à Smyrne, l’actuelle  Izmir) mais aussi dans les nombreux pays qui ont connu la domination ottomane, de la Macédoine à la Palestine. La presse ottomane francophone est également celle des communautés levantines, elle est donc aussi juive, grecque ou arménienne. Hostile ou loyale au pouvoir, à l’image des deux titres « arméniens », La Patrie (1908-1913), hebdomadaire anti-séparatiste et profondément ottoman, et Pro-Arménia (1900-1914), l’organe bimensuel des « revendications arméniennes ». Enfin, il ne faut pas oublier que cette presse, publiée à Paris ou à Constantinople par des sujets ottomans ou des citoyens français, est tour à tour celle des exilés et opposants au Sultan, qui espèrent sensibiliser l’Occident à leur cause, et celle du pouvoir en place qui dissimule à peine sa stratégie politique visant à réduire cette opposition.

Si les premiers titres témoignent plutôt de la presse française dans l’Empire ottoman  l’on observe  dès 1824, l’émergence d’une presse francophone à la  périodicité plus régulière et à la  longévité plus affirmée comme, par exemple, le Spectateur oriental et ses titres successifs, Le courrier de Smyrne et Journal de Smyrne (Izmir, 1824-1842). Particulièrement faste pour cette presse, la période 1850-1875 est  suivie d’une longue période de perturbations due à la censure (1876-1908) mais s’avère, paradoxalement, prolifique quant au  nombre de titres malgré des durées de vie incertaines! Ainsi, l’on aurait recensé, pour les seuls journaux turcs en français,  94 nouvelles autorisations de publication en l’espace de deux ans. Au lendemain de l’armistice de 1918 et pendant l’occupation de l’Empire, la presse en français jouit d’un régime de faveur et se maintient bien au-delà de l’avènement de la République en 1923.  De nombreux titres turcs ont alors une édition française qui communique sur la nouvelle Turquie occidentalisée et forgée par les réformes kémalistes.  Le déclin de la presse francophone s’amorce dans les années 1930 et se poursuivra pendant les deux décennies suivantes.

Réuni sous le titre « Presse franco-ottomane », ce corpus numérique de plus de 100 titres est le fruit de la collaboration entre la Bibliothèque nationale de France, l’Institut français d’études anatoliennes, SALT Research et la Bibliothèque Atatürk d’ Istanbul. Il  donne accès à des collections  dispersées entre plus de 100 bibliothèques et collections privées. A l’exception de l’Égypte, l’ensemble  de l’Empire est couvert et la presse ottomane publiée en Europe est incluse. Pour ce qui est de la chronologie, la période considérée couvre les années vingt. Cette décennie correspond à la consolidation du régime républicain et constitue une période de transition marquée par un modèle économique libéral et la présence d’une importante communauté francophone dont le déclin est cependant amorcé depuis la fin de la Première guerre mondiale. La presse francophone continuera d’occuper une place significative au sein de la presse en Turquie, jusqu’à la fin de la Deuxième guerre mondiale.

Légende de l'image : Journal de Smyrne : commercial, politique et littéraire, n°97. 5 Janvier 1834

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